"Arno Klarsfeld, groupie
de Sarkozy"
NOUVELOBS.COM | 21.08.06 |
15:55
par
Armelle Gardien, membre de RESF
Comment
réagissez-vous à la déclaration d'Arno Klarsfeld qui estime que RESF
a "une responsabilité vis-à-vis des familles qu'ils ont poussées à
se déclarer à la préfecture alors qu'ils savaient qu'elles étaient
hors champ de la circulaire" ?
- Pour nous, c'est le
monde à l'envers. Arno Klarsfeld accuse RESF mais il ne faut pas
oublier que ce sont bien les mesures du gouvernement qui poussent
les familles à être expulsées et non notre association. RESF ne peut
donc en aucun cas porter la responsabilité de ces expulsions. Le
plus surprenant dans la déclaration d'Arno Klarsfeld, c'est l'emploi
du terme "repérés". En parlant de repérage, le soi-disant médiateur
montre bien que l'objectif prioritaire de la circulaire Sarkozy
était bien l'identification des personnes à expulser et non leur
régularisation. On voit bien qu'il y a un double discours: le
discours "soft" est celui de la circulaire, alors que le discours
"hard" est celui de la pratique répressive, et non les mesures
exceptionnelles à caractère humanitaire dont Nicolas Sarkozy se
prévaut. Faire croire que RESF pousse les familles à se déclarer
est une contre vérité dont Arno Klarsfeld est coutumier.
Par ce biais, il veut soutenir
l'application de la circulaire Sarkozy et faire semblant d'en être
le médiateur. Les exemples qu'il met en avant se révèlent faux.
Lorsqu'il a cherché à justifier l'expulsion de la famille
ukrainienne, il a mis en avant le fait que la mère avait des notions
élémentaires de français et a affirmé que le père ne parlait pas du
tout le français. Lorsque RESF les a interviewés, nous nous sommes
rendus compte, comme par hasard, que la mère parlait très bien et
que si le père parlait moins bien, il s'exprimait quand même
correctement… Vis-à-vis d'Arno Klarsfeld, nous sommes très
étonnés de voir qu'il continue à jouer sur deux tableaux. D'un côté,
il se veut médiateur en assurant la répression et de l'autre, il
appelle les familles à se cacher… A quoi joue-t-il? Il cautionne une
circulaire qui vise à expulser des gens et en même temps, incite ces
mêmes personnes à se mettre hors-la-loi… En se salissant les
mains dans cette chasse à l'enfant, Arno Klarsfeld adopte un
comportement tout à fait dommageable pour ses parents. Le nom de
Klarsfeld faisant davantage référence à la protection qu'à la
répression. Pour conclure sur Arno Klarsfeld, la dernière phrase
de sa déclaration montre bien sa vraie nature. En affirmant qu'il
trouve Sarkozy "pragmatique, équitable, énergique, courageux" et
qu'il est prêt à le soutenir dans la campagne présidentielle, il
affiche clairement ses convictions. En prenant ouvertement partie
pour un homme et un système répressif, il apparaît davantage comme
une groupie de Sarkozy que comme son médiateur…
Nicolas
Sarkozy avait prévenu dès le départ que toutes les demandes de
régularisation ne seraient pas acceptées. Sachant cela, RESF n'a
t-il pas joué un jeu dangereux en incitant les familles à déposer
une demande de régularisation ?
- RESF n'a poussé aucune
famille à se déclarer. C'est d'ailleurs la première règle du rapport
que nous entretenons avec les familles. Dès le début, on les a
prévenues de la dangerosité d'une demande de régularisation. Notre
discours envers les familles était simple et sans ambiguïté: "Si
vous gagnez, on gagne tous. Si vous perdez, vous êtes les seules à
perdre". Beaucoup de familles ont d'ailleurs hésité à déposer un
dossier de régularisation. Certaines ont senti le piège et ne se
sont pas déclarées. En fait, dès le départ de la circulaire,
nous avons mis en avant les trois critères subjectifs sur lesquels
reposait la circulaire Sarkozy : la présence ou non d'attache dans
le pays d'origine -le terme d'"attache" est ambigu-, la contribution
effective à l'éducation de l'enfant -certaines préfectures se sont
plus attachées à l'aspect matériel, d'autres à l'aspect éducatif- et
la preuve de volonté d'intégration. Ces trois critères, sur lesquels
les préfets devaient se baser pour juger de l'expulsion ou non d'un
enfant, sont peu clairs. Ils peuvent être interprétés différemment
et permettent des interprétations arbitraires de la part des
préfets. RESF a directement senti le piège et l'a fait savoir dès le
départ. Aujourd'hui, on a la preuve de cette subjectivité puisque
des refus de régularisation ne sont pas motivés. D'une préfecture à
l'autre, entre deux familles ayant sensiblement les mêmes dossiers,
l'une va être régularisée et pas l'autre, ce qui prouve l'existence
de quotas. Sarkozy avait parlé de 6.000 régularisations et il se
tient à ce chiffre.
Si comme l'affirme Arno Klarsfeld, ces
24.000 personnes sont effectivement frappées d'un "arrêté de
reconduite à la frontière", allez-vous réagir ? Quelles sont les
actions à venir de RESF ?
- Concrètement, RESF va mener
des actions de contentieux dans les dossiers faisant état
d'inégalités de traitement. Evidemment, RESF ne va pas accepter
des expulsions, que ce soit en octobre 2005, en juin 2006 ou en
septembre 2006. Pour nous comme pour les parents, les enseignements
ou l'opinion publique, le combat continue! Nous ne voulons aucune
expulsion. L'opinion publique doit prendre conscience de la
politique répressive à laquelle se livre le gouvernement. L'exemple
de l'expulsion du squat de Cachan le montre: sous couvert du
problème d'insalubrité, le gouvernement veut identifier les
sans-papiers présents à Cachan. Nous savons d'ailleurs que des
contrôles de police ont eu lieu dans les hôtels où les personnes ont
été relogées…
Propos recueillis par Alexandre
Lemarié (le lundi 21 août 2006)
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