Allez, une petite pépite cinématographique pour bien commencer l'année. Un de ces petits films qui font du bien au moral et vous réconcilie au moins pour un temps avec l'humanité. Je veux parler bien entendu du dernier film d'Aki Kaurismäki, "Le Havre". L'histoire est simple et rappelle malheureusement une réalité trop courante dans nos contrées dites civilisées.
Marcel Marx est cireur de chaussures dans cette bonne ville du Havre. Il a bien tenté autrefois une carrière d'écrivain, mais le succès l'a fui, alors il est cireur de chaussures. Il vit chichement avec sa femme, Arletty, dans une ancienne petite maison de pêcheur dans un quartier populaire. Certes, il n'est pas riche, mais avec ses amis commerçants, son chien, et surtout Arletty, on peut dire qu'il est heureux. Mais deux évènements vont bouleverser sa vie. Arletty va tomber gravement malade. Surtout, un jeune immigré clandestin qui cherche à tout prix à rejoindre sa mère à Londres va trouver refuge chez chez lui. Il devient alors évident pour Marcel qu'il doit lui porter secours.
Si l'histoire fait évidemment penser au magnifique film de Lioret, "Welcome", le traitement est différent. En fait, on est dans un film de Kaurismäki, qui est un genre cinématographique à lui tout seul. Un cinéma basé sur la référence et l'hommage à certains grands cinéastes : Duvivier et ces décors qui sentent bon les années 30, Truffaut avec la façon de jouer très théâtrale et surtout la présence de Jean-Pierre Léaud.. Il faut noter quelques hommages au cinéma français. Kati Outinen qui interprète le rôle de la femme de Marcel Marx (André Wilms) s'appelle Arletty dans le film. C'est un joli film qui fait chaud au coeur. Un cinéma emprunt de nostalgie, les décors évidemment, les costumes, les voitures venues tout droit des années 70 on voit une Renault 16, une vieille cabine téléphonique , mais surtout ces petites rengaines rock pleines de douceur et de mélancolie qui peuplent tous ses films. Et quelle idée de génie d'avoir sorti de la naphtaline le grand "Little Bob", ce rockeur unique qui trouve forcément sa place dans l'univers du cinéaste finlandais, puisque comme lui, il n'a jamais fait de concessions sur son art.
De la nostalgie, donc. Plein les mirettes, comme une madeleine de Proust. Mais "Le Havre" n'est pas que cela. C'est d'abord et avant tout un film qui nous parle de notre époque. C'est un immense coup de gueule contre les politiques migratoires iniques en vigueur dans toute l'Europe, contre cette logique qui consiste à s'en prendre aux plus faibles pour asseoir sa popularité ou pour masquer l'ineptie du reste de sa politique. C'est surtout un message d'espoir en l'humain, un rappel qu'à Calais, à Sangatte, à Lampedusa se sont bien des chaînes de solidarité qui parviennent un tant soit peu à briser ces politiques imbéciles qui nous gouvernent.
Pour tout cela, "Le Havre" est un film essentiel et unique un joli conte décalé où André Wilms, Jean-Pierre Darroussin et Kati Outinen font merveille. Je ne vous parle même pas du plaisir de revoir Pierre Etaix jouant le rôle d'un médecin et Jean-Pierre Léaud en délateur odieux digne du pire collabo. Idrissa, un jeune Congolais arrivé avec d'autres dans un container par bateau. Mais aussi pour encore une raison supllèmentaire : l'univers de Kaurismäki ne serait rien sans l'apport de son acteur fétiche, André Wilms. Je l'avoue, je ne le connaissais pas. Quel dommage ! Il apporte son humour, sa joie de vivre, sa décontraction. Il est le complément naturel au penchant un brin dépressif du Finlandais. Bref, sans lui, le film n'existe pas.
Allez voir "Le Havre", c'est le meilleur antidote contre la bêtise et la sinistrose.