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  • SITUATION DES MIGRANTS A MENTON

    Situation des migrants à Menton : la haine ou la fraternité ?

     

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    La xénophobie a été à ce point banalisée ces dernières années que dans la course électoraliste à l’échalote raciste, la surenchère est de mise. Quitte à piétiner une des valeurs fondatrices de la République : la fraternité.

     . Heureusement ce sont aujourd’hui les citoyens, anonymes et militants, ainsi que les associations, qui s’acharnent à apporter quelque réconfort à ces réfugiés, qui représentent l’honneur de la France et nous tenons en premier lieu à saluer leur courage et leur dévouement.

    Cette crise humanitaire sonne aussi comme un double échec : Celle d’une Union Européenne « forteresse », toujours prompte à s’ériger en donneuse de leçons de « droits de l’homme » pour mieux les piétiner et où la solidarité vaut pour les banques privées renflouées par milliards avec générosité mais surtout pas pour ceux que le malheur pousse sur ses rivages. Celle aussi de sa politique étrangère erratique, subordonnée aux intérêts des USA dans le cadre de l’OTAN, et qui n’aura pas peu contribué à plonger des pays dans le chaos dont l’afflux actuel de réfugiés n’est qu’une des conséquences. 

    Celle enfin de cette banalisation continue de la haine de l’autre dans l’espace républicain qui en amène certains, avec l’œil rivé sur les prochains scrutins, à faire que la France tourne le dos à son histoire et à ses valeurs, allant même jusqu’à remettre en cause le droit du sol, élément constitutif de la nation depuis la Renaissance.

    Combien faudra-t-il encore de morts en Méditerranée, combien de drames humains avant une prise de conscience collective des peuples et des États que la réponse durable à ces drames ne pourra être que globale et solidaire ?

    Quand cessera l’exploitation honteuse de ces situations de détresse à des fins démagogiques et électoralistes par ceux qui pensent que la peur de l’autre reste un filon inépuisable ? Comment prétendre combattre le racisme quand on le légitime dans l’espace républicain ?

     

    Aujourd’hui le premier devoir est celui de la solidarité et le premier exemple à donner devrait être celui de la dignité. Celle à laquelle s’accrochent ceux qui se voient ballotés d’une frontière à l’autre aujourd’hui.

    Valérie TOMASINI  -   Francis TUJAGUE

     

     

     

  • HOMMAHE BERNARD MARIS

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    Parmi les personnes assassinées ce mercredi 7 janvier, il y avait Bernard Maris, chroniqueur, économiste hétérodoxe et membre du Conseil Général de la Banque de France. En son hommage, nous reproduisons sa chronique du 27 décembre 2013 pour Charlie Hebdo où il défendait le revenu minimum d’existence.

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  • DESOBEIR A LA FINANCE

    La dette ? Une construction sociale, fondatrice d’un pouvoir arbitraire, estime David Graeber, anthropologue et économiste états-unien, considéré par le New York Times comme l’un des intellectuels les plus influents actuellement. Les pays pauvres et les personnes endettées sont aujourd’hui enchainés aux systèmes de crédit. Piégés dans des relations basées sur la violence, les inégalités et justifiées par la morale, décrit l’auteur, dans un ouvrage qui retrace 5000 ans d’histoire de la dette. « Rembourser ses dettes » est devenu un dogme, impossible à contester. Et si, malgré tout, on décidait d’effacer l’ardoise ? Avec le mouvement Occupy Wall Street, David Graeber lance des actions de désobéissance civile pour démontrer l’absurdité du système capitaliste actuel. Entretien.

    Basta ! : A quel moment dans l’histoire le crédit est-il apparu ? Qu’est-ce qu’une dette ?

    David Graeber : La dette est une promesse, qui a été pervertie par les mathématiques et la violence. On nous a raconté une histoire : « Il était une fois des gens qui utilisaient le troc. Voyant que cela ne marchait pas très bien, ils ont créé la monnaie. Et l’argent nous a amené le crédit. » Du troc au crédit, une sorte de ligne droite nous amènerait donc à la situation actuelle. Si on regarde plus attentivement l’histoire, cela s’est passé bien différemment ! Le crédit a d’abord été créé. La monnaie physique est apparue quelques milliers d’années plus tard. Cela permet de poser les questions différemment : comment sommes-nous passés d’un système où les gens disaient « je vous dois une vache », à un système où l’on peut mesurer la valeur exacte d’une dette ? Ou l’on peut assurer, formule mathématique à l’appui, que « 340 poulets sont équivalents à cinq vaches » ? Comment une promesse, une obligation de remboursement, est devenue une « dette » ? Comment l’idée que nous devons une faveur a-t-elle été quantifiée ?

    En quoi quantifier une dette est-elle un problème ?

    Quantifiable, la dette devient froide, impersonnelle et surtout transférable : l’identité du créancier n’a pas vraiment d’importance. Si je promets de vous rencontrer à cinq heures demain, vous ne pouvez pas donner cette promesse à quelqu’un d’autre. Parce que la dette est impersonnelle, parce qu’elle peut être exigible par des mécanismes impersonnels, elle peut être transférée à une autre personne. Sans ces mécanismes, la dette est quelque chose de très différent. C’est une promesse qui repose sur la confiance. Et une promesse, ce n’est pas la négation de la liberté, au contraire, c’est l’essence de la liberté ! Être libre, c’est justement avoir la capacité de faire des promesses. Les esclaves ne peuvent pas en faire, ils ne peuvent pas prendre d’engagements auprès d’autres personnes, car ils ne sont pas sûrs de pouvoir les tenir. Être libre, c’est pouvoir s’engager auprès d’autrui.

    Au contraire, le « remboursement de la dette » est devenu un dogme moral…

    La dette a été transformée en une question d’arithmétique impersonnelle, en l’essence même de l’obligation morale. C’est ce processus que nous devons défaire. Il est fascinant aussi de voir le lien entre la notion de dette et le vocabulaire religieux, de constater comment les premières religions débutent avec le langage de la dette : votre vie est une dette que vous devez à Dieu. La Bible par exemple commence avec le rachat des péchés… Devenue dogme moral, la dette justifie les dominations les plus terribles. On ne peut comprendre ce qu’elle représente aujourd’hui sans un détour par cette longue histoire de la dette comme justification morale de relations de pouvoir inégales. Le langage de la dette permet de justifier une relation de pouvoir arbitraire. Et il est très difficile d’argumenter face à un pouvoir arbitraire sans adopter le même langage.

    Lire aussi : Les mots nous manipulent : agissons pour une reconquête des concepts !

    Vous citez l’exemple de la mafia…

    Parler de dette devient un moyen pour décrire des relations inégales. Les mafieux ont compris cela : ils utilisent souvent le terme de dette, même si ce qu’ils font est en réalité de l’extorsion. Quand ils annulent ou reportent certaines dettes, cela passe pour de la générosité ! C’est comme les armées qui font payer un tribut aux vaincus : une taxe en échange des vies épargnées. Avec le langage de la dette, on dirait que ce sont les victimes qui sont à blâmer. Dans de nombreuses langues, dette, culpabilité et péché sont le même mot ou ont la même racine.

    La monnaie, qui permet de quantifier précisément la valeur d’une dette, apparaît d’ailleurs dans les situations de violence potentielle. L’argent est aussi né du besoin de financer les guerres. La monnaie a été inventée pour permettre aux États de payer des armées professionnelles. Dans l’Empire romain, la monnaie apparait exactement là où stationnent les légions. De la même façon, le système bancaire actuel a été créé pour financer la guerre. Violence et quantification sont intimement liés. Cela transforme les rapports humains : un système qui réduit le monde à des chiffres ne peut être maintenu que par les armes.

    Il y a aussi une inversion : le créancier semble être devenu la victime. L’austérité et la souffrance sociale sont alors considérées comme un sacrifice nécessaire, dicté par la morale…

    Absolument. Cela permet par exemple de comprendre ce qui se joue en Europe aujourd’hui. L’Europe est-elle une communauté de partenaires égaux ? Ou y a-t-il une relation de pouvoir entre entités inégales ? Est-ce que tout peut être renégocié ? Quand une dette est établie entre égaux, elle est toujours traitée comme une promesse. Nous renégocions des promesses tout le temps, car les situations changent : si je vous promets de vous voir demain à cinq heures, si ma mère meurt, je ne suis pas obligé de tenir ma promesse.

    Les gens riches peuvent être incroyablement compréhensifs concernant la dette des autres riches : les banques états-uniennes Goldman Sachs et Lehman Brothers peuvent se concurrencer, mais quand quelque chose menace leur position générale de classe, soudain elles peuvent oublier toutes les dettes contractées si elles le veulent. C’est ce qui s’est passé en 2008. Des trillions de dollars de dettes ont disparu, parce que cela arrangeait les puissants. De la même façon des gens pauvres vont être très compréhensifs les uns envers les autres. Les prêts que l’on fait à des proches sont finalement souvent des cadeaux. C’est lorsqu’il y a des structures d’inégalités, que soudain la dette devient une obligation morale absolue. La dette envers les riches est la seule à être vraiment « sacrée ». Comment se fait-il que Madagascar soit en difficulté quand il doit de l’argent aux États-Unis, mais que lorsque ce sont les États-Unis qui doivent de l’argent au Japon, c’est le Japon qui est en difficulté ? Le fait notamment que les États-Unis ont une puissante armée change le rapport de force…

    Aujourd’hui, on a l’impression que la dette a remplacé les droits : les droits à la formation ou au logement se sont transformés en droit au crédit ?

    Certains utilisent leur maison pour financer leur vie en contractant de plus en plus de prêts hypothécaires. Leurs maisons deviennent des distributeurs de billets. Les micro-crédits pour faire face aux problèmes de la vie se multiplient, en substitution de ce qui était auparavant assuré par l’État-providence, qui donnait des garanties sociales et politiques. Aujourd’hui, le capitalisme ne peut plus offrir un bon « deal » à tout le monde. On sort de l’idée que chacun pourrait posséder un bout du capitalisme : aux États-Unis, chacun était censé pouvoir investir dans les entreprises, qui en fait exploitent chacun. Comme si la liberté consistait à posséder une part de notre propre exploitation.

    Lire aussi : 1% des gens contrôle 50% des richesses, que faire ?

    Puis les banquiers ont transformé la dette en produits bancaires, échangeables comme de la monnaie…

    C’est incroyable ! Il y a six ans, même des gens très intelligents disaient : « Que ces gens sont brillants, ils ont créé de l’argent à partir de rien ». Ou plutôt avec des algorithmes tellement complexes, que seuls des astrophysiciens pouvaient les comprendre. Mais cette incroyable sophistication s’est révélée être une escroquerie ! J’ai eu récemment des entretiens avec de nombreux astrophysiciens, qui m’ont affirmé que ces chiffres ne veulent rien dire. Tout ce travail semble très sophistiqué, mais en fait il ne l’est pas. Une classe de personnes a réussi à convaincre tout le monde qu’ils étaient les seuls à pouvoir comprendre. Ils ont menti et les gens les ont cru. Soudain, un pan de l’économie a été détruit, et on a vu qu’eux-mêmes ne comprenaient pas leurs instruments financiers.

    Pourquoi cette crise n’a-t-elle pas changé notre rapport à la dette ?

    A cause d’un profond déficit intellectuel. Leur travail idéologique a été tellement efficace que tout le monde est convaincu que le système économique actuel est le seul possible. Nous ne savons pas quoi faire d’autre. Alors nous posons un morceau de scotch sur le problème, prétendant que rien ne s’est passé. Où cela nous mènera-t-il ? A une nouvelle panne. Nous entrons désormais dans une nouvelle étape : celle du jeu défensif. Comme la plupart des justifications intellectuelles du capitalisme s’effondrent, ses promoteurs attaquent aujourd’hui toutes les alternatives possibles. En Grande-Bretagne, après la crise financière, la première chose qu’ont voulu faire les responsables économiques a été de réformer le système scolaire, pour le rendre plus compétitif. En réalité, le rendre plus semblable au système financier ! Pourquoi ? Sans doute parce que l’enseignement supérieur est un des seuls espaces où d’autres idées, d’autres valeurs, peuvent émerger. D’où la nécessité de couper court à toute alternative avant qu’elle ne puisse émerger. Ce système éducatif fonctionnait pourtant très bien jusqu’à présent, alors que le système financier a failli de manière spectaculaire. Il serait donc plus pertinent de rendre le système financier semblable au système éducatif, et non l’inverse !

    Aujourd’hui, aux États-Unis, des gens sont emprisonnés pour incapacité à rembourser leurs dettes. Vous citez l’exemple d’un homme condamné à la prison en 2010 dans l’État de l’Illinois pour une durée illimitée, tant qu’il n’aura pas réussi à rembourser 300 dollars…

    Aux États-Unis, des gens sont emprisonnés parce qu’ils n’ont pas réussi à payer les frais de citation en justice. Alors qu’il est presque impossible de poursuivre des banques pour des saisies illégales ! Les banques peuvent toujours aller voir la police pour leur demander de vous arrêter pour défaut de paiement, même si tout le monde sait qu’il s’agit d’une saisie illégale. Pouvoir financier et pouvoir politique sont en train de fusionner. Police, collecteurs d’impôts, les personnes qui vous expulsent de vos maisons, opèrent directement dans l’intérêt des institutions financières. Peu importe votre revenu, quelqu’un signe votre expulsion et la police vous fait sortir de votre maison.

    Aux États-Unis, tout le monde croyait faire partie de la classe moyenne. Ce n’est pas vraiment une catégorie économique, plutôt une catégorie sociale et politique : on peut considérer que font partie de la classe moyenne les citoyens qui se sentent plus en sécurité quand ils voient un policier, que l’inverse. Et par extension, avec toutes les autres institutions, banques, écoles… Aujourd’hui, moins de la moitié des Américains considèrent qu’ils font partie de la classe moyenne, contre les trois quarts auparavant. Si vous êtes pauvres, vous supposez que le système est contre vous. Si vous êtes riches, vous avez tendance à croire que le système est avec vous. Jusqu’à présent aucun banquier n’a été mis en prison pour des actes illégaux durant la crise financière. Et des centaines de manifestants ont été arrêtés pour avoir tenté d’attirer l’attention sur ces faits.

    La dette provoque toujours contestation et désordre dans les sociétés, écrivez-vous. Et depuis 5000 ans, les insurrections populaires commencent très souvent par la destruction des registres de dette…

    La dette semble être le plus puissant des langages moraux jamais créés pour justifier les inégalités et les rendre « morales ». Mais quand tout explose, c’est avec une grande intensité ! L’historien britannique Moisis Finley défendait l’argument que dans le monde antique, il n’y avait qu’une seule demande révolutionnaire : abolir les dettes, et ensuite redistribuer les terres. De la décolonisation de l’Inde à l’Amérique latine, les mouvements d’abolition des dettes semblent partout une priorité. Lors de révolutions paysannes, une des premières actions des insurgés est de trouver les registres de dettes pour les brûler. Puis les registres de propriété des terres. La raison ? La dette, c’est pire que si vous dites à quelqu’un qu’il est inférieur, esclave, intouchable. Car cela signifie : « Nous ne sommes pas fondamentalement différents, vous devriez être mon égal, mais nous avons conclu un contrat d’affaires et vous avez perdu. » C’est un échec moral. Et cela peut engendrer encore plus de colère. Il y a quelque chose de profondément insultant, dégradant avec la dette, qui peut provoquer des réactions très violentes.

    Vous réclamez un jubilé, c’est-à-dire un effacement des dettes – dettes souveraines des États mais aussi dettes individuelles. Quel impact économique cela aurait-il aujourd’hui ?

    Je laisse les détails techniques aux économistes… Cela supposerait notamment de revenir à un système public pour les pensions de retraite. Les précédentes annulations de dettes n’ont jamais concerné toutes les dettes. Mais certains types de dettes, comme les dettes de consommation ou la dette souveraine des États, pourraient être effacées sans réels effets sociaux. La question n’est pas de savoir si l’annulation de dette va avoir lieu ou pas : les gens qui connaissent bien la situation admettent que cela va évidemment arriver. La Grèce, par exemple, ne pourra jamais rembourser sa dette souveraine, elle sera progressivement effacée. Soit avec de l’inflation – une manière d’effacer la dette qui a des effets délétères – soit par des formes d’annulation directe. Est-ce que cela arrivera « par en bas », sous la pression des mouvements sociaux, ou « par en haut », par une action des dirigeants pour tenter de préserver le système ? Et comment vont-ils habiller cela ? Il est important de le faire de manière explicite, plutôt que de prétendre à un simple « rachat » de la dette. Le plus simple serait de dire qu’une partie de la dette est impayable, que l’État ne garantit plus le paiement, la collecte de cette dette. Car pour une grande part, cette dette existe uniquement parce qu’elle est garantie par l’État.

    L’effacement de la dette des États, c’est la banqueroute. Les experts du FMI ou de la Banque mondiale seront-ils un jour d’accord avec cette option ?

    Le FMI annule actuellement des dettes en Afrique. Les experts savent que la situation actuelle n’est pas viable. Ils sont conscients que pour préserver le capitalisme financier et la viabilité à long terme du système, quelque chose de radical doit avoir lieu. J’ai été surpris de voir que des rapports du FMI se réfèrent à mon livre. Même au sein de ces institutions, des gens proposent des solutions très radicales.

    Est-ce que l’annulation de dettes signifie la chute du capitalisme ?

    Pas nécessairement. L’annulation de dettes peut aussi être un moyen de préserver le capitalisme. Mais à long terme, nous allons vers un système post-capitaliste. Cela peut paraître effrayant, puisque le capitalisme a gagné la guerre idéologique, et que les gens sont convaincus que rien d’autre ne peut exister que cette forme précise de capitalisme financier. Il va pourtant falloir inventer autre chose, sinon dans 20 ou 30 ans, la planète sera inhabitable. Je pense que le capitalisme ne sera plus là dans 50 ans, mais je crains que ce qui arrive ensuite soit encore pire. Nous devons construire quelque chose de mieux.

    Dans le cadre du mouvement Occupy Wall Street, vous êtes l’un des initiateurs de la campagne Rolling Jubilee. Quels sont ses objectifs et son impact ?

    C’est un moyen de montrer à quel point ce système est ridicule. Aux États-Unis, des « collecteurs » achètent de la dette, à 3% ou 5% du montant de la dette initiale, et vont ensuite tenter de recouvrer la totalité de l’argent en faisant payer les personnes endettées. Avec la campagne Rolling Jubilee, nous faisons comme ces collecteurs de dette : nous achetons collectivement nous-mêmes de la dette – ce qui est parfaitement légal – et ensuite, au lieu d’exiger leur remboursement, nous effaçons ces dettes ! Quand nous atteindrons un niveau où cela commence à avoir un effet réel sur l’économie, ils trouveront sans doute un moyen de rendre ça illégal. Mais pour le moment, c’est un bon moyen de mettre en évidence l’absurdité du système. En complément, nous développons le projet « Drom », Debt resistors operation manuel, qui fournit des conseils légaux et pratiques aux personnes endettées.

    Lire aussi : Désobéissance civile : exemples d’actions à mener au quotidien !

    La façon la plus simple de désobéir à la finance, c’est de refuser de payer les dettes. Pour lancer un mouvement de désobéissance civile contre le capitalisme, on peut commencer par là. Sauf que les gens le font déjà ! Un Américain sur sept est poursuivi par un collecteur de dettes. 20 % au moins des prêts étudiants sont en situation de défaut. Si vous ajoutez les prêts hypothécaires, sur les 80 % de la population qui sont endettés aux États-Unis, entre un quart et un tiers sont déjà en situation de défaut de paiement ! Des millions d’Américains font déjà de la désobéissance civile par rapport à la dette. Le problème est que personne ne veut en parler. Personne ne sait que tout le monde le fait ! Comment réunir tous ces gens isolés ? Comment organiser un mouvement social si tout le monde a honte de ne pas réussir à rembourser ses dettes ? À chaque fois que vous refusez de payer une dette médicale, une dette « odieuse » créée par la collusion entre gouvernement et financiers – qui piège les gens dans des dettes que vous n’avez d’autre choix que de subir – vous pouvez dépenser votre argent pour quelque chose de socialement important. Nous voulons encourager les « coming-out » sur cette résistance au système. Fédérer cette armée invisible de gens qui font défaut, qui sont déjà sur le terrain de bataille, s’opposant au capitalisme par une résistance passive.

    Propos recueillis par Agnès Rousseaux pour Bastamag.net

  • LES CARICATURES DU PAPE

     

    LIBERTÉ D'EXPRESSION: LES CARICATURES DU PAPE

     Mon dernier article, paru ce matin dans LIbération (28 Janvier 2015)
    Bien amicalement à tous
    Henri Pena-Ruiz

    Ancien membre de la Commission Stasi sur l'application du principe de laïcité
    Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la laïcité (Editions Plon)
    Prix national de la laïcité 2014.

    Citons le pape François : «Si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s'attendre à un coup de poing, et c'est normal. On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision.» En voulant faire de la pédagogie sur les limites de la liberté d’expression, le pape François se livre à des caricatures qui jouent sur l’amalgame et la confusion.
    D’une part, il met sur le même plan une insulte personnelle (parler mal de Regina Maria Sivori, sa mère) et un dessin caricatural ciblé sur une religion. D’autre part il établit une équivalence entre ce dessin, représentation fictionnelle, et une violence physique réelle : donner un coup de poing. Certes, il y a loin du coup de poing à la rafale de kalachnikov, mais ici le registre de la violence semble validé comme juste réponse à une dérision par signes (« c’est normal », ose-t-il dire). On se demande alors quelle portée peuvent bien avoir les condamnations verbales de la violence données en préalable.
    Le pape, au passage, gomme la chronologie de l’histoire réelle. Car ce n’est pas la caricature qui est première et le meurtre second, mais l’inverse. Il faut rappeler que les caricatures de Charlie relayaient celles de caricaturistes danois après l’assassinat, le 2 novembre 2004, du cinéaste Theo Van Gogh, auteur du film Submission portant sur la domination des femmes dans une contexte islamiste. Et par le dessin satirique elles ne visaient pas les musulmans en général, mais un prophète qui justifierait le meurtre. Pas d’amalgame, donc, entre personnes musulmanes et fanatisme religieux.
    On est donc consterné devant une comparaison qui sans légitimer le meurtre lui-même ose lui trouver des circonstances atténuantes. Deux fautes simultanées. D’une part l’incroyable confusion entre la mise en cause d’une religion et l’insulte à une personne comme telle. D’autre part une étrange conception de la justice, puisque le pape d’une religion dite d’amour trouve justifié qu’en cas d’insulte personnelle on se fasse justice à soi-même par une violence physique. Nous sommes loin de la parabole de la joue tendue.
    Mais il y a plus grave : la volonté implicite de pénaliser le blasphème par une sorte de chantage : pour éviter les violences criminelles respectez la religion ! D’où la question : qu’est-ce qui est respectable ? Issu d'un mot latin qui désigne le regard empreint de considération (respectus), le respect s'applique aux personnes et non aux choses ou aux croyances. C'est le sentiment qu'un être humain, comme tel, mérite des égards. Bref, ce qui est respectable, c'est la personne humaine et sa liberté, non sa conviction particulière. Ainsi par exemple le propos de Philippe Tesson insultant les musulmans comme tels (« les musulmans amènent la merde en France aujourd'hui. ») relève de l'injure raciste, puisqu'il met en cause non une conception religieuse mais un groupe de personnes en raison de leur religion. De façon similaire, toute dérision portant sur la Shoah fait insulte à la mémoire douloureuse des Juifs comme tels, et vaut délit. Il n’y a donc pas deux poids deux mesures pour une chose identique, mais deux choses rigoureusement distinctes au regard du droit. Les dessins satiriques de Charlie Hebdo, quant à eux, n'ont jamais visé les personnes ou les groupes de personnes comme telles.
    Il faut d'ailleurs en finir avec les mots pièges qui amalgament la critique d'une religion à l'insulte des croyants. Le terme d'islamophobie est de ceux-là puisqu'il cherche à établir la confusion entre rejet d’une religion et rejet de ses fidèles. Le seul délit incontestable est le racisme qui vise les musulmans, c'est à dire la mise en cause d'une personne ou d'un groupe de personnes du fait de sa religion. Dans le même esprit, l'antisémitisme est à l'évidence un délit, mais la judaismophobie, si l'on entend par là le rejet de la religion de certains juifs, ne pourrait être confondue avec le racisme anti-juif. Imaginons enfin que les athées ulcérés d'être considérés comme des vecteurs d'immoralisme inventent le terme athéophobie et proclament que toute caricature de l'athéisme est un délit. Nombre de religieux ne se privent pas de telles violences polémiques, et ils en ont le droit tant qu'ils ne visent qu’une conviction.
    Un croyant est libre de croire en Dieu, un athée libre d'affirmer un humanisme sans dieu. Le croyant et l'incroyant sont également respectables comme être humains libres. Ils peuvent coexister, mais à la condition que l'option de l'un ne s'impose pas à l'autre. L'athée peut donc critiquer la religion, et le croyant l'athéisme. La psychologie du fanatisme refuse quant à elle cette distinction car elle rejette toute distance entre la personne et sa conviction. Elle exige donc le respect des croyances et pas seulement celui des personnes croyantes. Comme si la croyance, inséparable de l'être, collait à sa peau. D'où le délit de blasphème, qui entend pénaliser toute critique d'une religion en prétendant qu'elle insulte les personnes croyantes comme telles.
    Face à cela, l’éducation doit promouvoir la distance à soi, contre-poison du fanatisme. Montaigne, contemporain des guerres de religion, rappelait : « Il ne faut pas confondre la peau et la chemise ». Arrêtons de dire qu'en cultivant une telle distance intérieure on installe les gens dans la schizophrénie ! L’apologie de la spontanéité indûment confondue avec l'authenticité est dangereuse. Chaque personne peut assumer librement sa foi religieuse ou son athéisme, mais sans oublier qu’elle est aussi dépositaire d’une humanité universelle. L'incitation laïque à la retenue et à la distance intérieure est source de paix : elle inspire le respect de l'autre sans exiger pour autant le respect de son opinion.
    La loi commune, fondée sur le droit, ne peut dépendre d'aucune croyance particulière, car elle doit valoir pour tous. Bayle: "Il n'y a de blasphème que pour celui qui vénère la réalité blasphémée". On voit bien que la laïcité n'est nullement antireligieuse. Simplement elle consiste à rappeler que la religion ne doit engager que ses adeptes, et eux seuls.
    Le fanatisme religieux, on l'a vu, est prêt à noyer dans le sang le droit à la vie et la liberté d'expression. Ne lui donnons aucune excuse. Et ne mélangeons pas tout en prétendant que l'Islam étant par ailleurs la religion de beaucoup d'opprimés des égards particuliers seraient dus à l'islamisme politique.
    Double confusion, là encore. S'en prendre à l'islamisme, ce n'est pas s'en prendre aux musulmans, qui en sont souvent les premières victimes. Pas d'amalgame. Par ailleurs on ne résout pas une injustice sociale en taisant l'exigence laïque. Les grands registres d'émancipation vont de pair, comme le soulignait Karl Marx en faisant l'éloge de l'oeuvre à la fois laïque et sociale accomplie par les Communards de Paris en 1871. Bref, arrêtons d'imputer à la laïcité les exclusions qui relèvent de problèmes économiques et sociaux ou de mentalités encore marquées par l'idéologie raciste. Et traitons ainsi les deux grandes questions de l’intégration républicaine sans erreur de diagnostic.

  • JE SUIS ATTERRE

    L’organisation internationale de développement, dont la directrice générale, Winnie Byanyima, coprésidera l’édition 2015 de Davos, souligne aujourd’hui que l’explosion des inégalités entrave la lutte contre la pauvreté dans le monde, alors qu’une personne sur neuf ne mange pas à sa faim et que plus d’un milliard de personnes vivent avec moins de 1,25 dollar par jour.

    Le patrimoine cumulé des 1% les plus riches du monde dépassera en 2016 celui des 99% restants, a affirmé Oxfam lundi à l'approche du forum économique mondial de Davos (Suisse), en appelant à "réécrire les règles" pour corriger ces inégalités "vertigineuses".

    Etude à l'appui, l'organisation non-gouvernementale a indiqué que "la part du patrimoine mondial détenu par les 1% les plus riches est passée de 44% en 2009 à 48% en 2014, et dépassera les 50 % en 2016".

    "En 2014, les membres de cette élite internationale possédaient en moyenne 2,7 millions de dollars par adulte. Le reste du cinquième (20%, ndlr) le plus riche de la population possède 46% du patrimoine mondial alors que 80% de la population mondiale ne se partagent que les 5,5% restant", a précisé Oxfam.

    L'organisation, dont la directrice générale Winnie Byanyima va coprésider le forum de Davos, a réclamé "l'organisation cette année d'un sommet mondial sur la fiscalité pour réécrire les règles fiscales internationales".

    "L'ampleur des inégalités mondiales est tout simplement vertigineuse", a dénoncé Mme Byanyima, pour qui "le fossé entre les grandes fortunes et le reste de la population se creuse rapidement". Elle a appelé les dirigeants internationaux à s'attaquer "aux intérêts particuliers des poids lourds qui font obstacle à un monde plus juste et plus prospère".

    Oxfam a exhorté les Etats à adopter un plan pour lutter contre les inégalités, en contrant l'évasion fiscale, en promouvant la gratuité des services publics, en taxant davantage le capital et moins le travail, en instaurant des salaires minimum ou encore en mettant en place une protection sociale pour les plus pauvres.

    Le forum économique mondial (WEF), dont ce sera la 45e édition, se tiendra à Davos de mercredi à samedi. Plus de 300 dirigeants politiques de premier plan, dont la chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande, le chef du gouvernement italien Matteo Renzi, le Premier ministre chinois Li Keqiang et le secrétaire d'Etat américain John Kerry y sont attendus.

  • JE LIS L'HUMA : EST CE GRAVE

     

    Une loi de classe
    Par Patrick Le Hyaric, directeur de l’humanité

    Quelle profession de foi ! « Les jeunes Français doivent avoir envie de devenir milliardaires. » Elle est du ministre de l’Économie Macron, loin d’ici, à Las Vegas, lors d’un grand salon de l’électronique. Quelle profession de foi de la part de l’ancien banquier qui ne sait pas ce que signifie vivre dans la précarité absolue, travailler la nuit pour payer ses études, dormir dans la rue ou dans sa voiture pour certains, tout en ayant un emploi, ne pas pouvoir finir le mois pour un jeune couple.
    Non ! Ayez « envie de devenir milliardaires », lui, le même qui veut rétablir pour les pauvres la troisième classe en car, faire travailler tout le monde le dimanche, allonger la semaine de travail et… abaisser le « coût du travail » ! C’est notre nouveau Guizot avec son « enrichissez-vous ». Lui, le super-millionnaire, explique donc aux jeunes, d’un ton culpabilisateur, que s’ils ne deviennent pas « milliardaires », ils ne sont pas dans le coup.
    D’ailleurs, le président de la République a expliqué sans rire, lors de ses vœux, que ce projet de loi censé donner « un coup de jeune à la France » était aussi « une loi pour le siècle à venir ». Il faut se pincer pour ne pas s’écrouler de rire devant de telles grossièretés. C’est au contraire une loi de retour au XIXe siècle. C’est la contre-révolution libérale et anti-écologique.
    Le ministre de l’Économie est chargé de tenter de faire changer des législations qui relèvent d’autres ministres, comme ceux du Travail, de la Justice, du Commerce ou de l’Artisanat, des Transports, du Logement. Il tente de modifier des pans importants de notre droit du travail : travail du dimanche élargi à la possibilité de douze dimanches travaillés par an, travail de nuit modifié, facilitation des licenciements, allongement du temps de travail, juridictions prud’homales mises en cause, inspection du travail affaiblie, médecine du travail dénaturée.
    Autrement dit, la régression pour les travailleurs. Il projette aussi d’introduire les logiques marchandes dans des professions qui étaient jusque-là protégées, non pas pour diminuer les tarifs, mais pour les livrer à de grands consortiums capitalistes anglo-saxons. Sa logique est de faire admettre que plus rien ne doit échapper à la loi du marché capitaliste et à sa recherche de plus-value, extorquée du travail et de la consommation.
    Ni l’organisation du temps de la semaine, ni les infrastructures d’un pays. Pour y parvenir, la prétendue loi naturelle du « marché capitaliste » prime sur la souveraineté des individus, leur organisation collective fondée sur l’idéal d’émancipation, condition de l’exercice de la citoyenneté et sur l’environnement. Elle prime aussi sur la souveraineté nationale, bradée sur l’autel décrépi des instances européennes et sur celui encore plus grand des intérêts privés, y compris étrangers, comme on le voit avec la vente d’une partie d’Alstom aux Américains de General Electric ou de l’aéroport de Toulouse aux capitaux canadiens et chinois.
    Jusqu’aux industries d’armement proposées à la salle des ventes des rapaces de la finance internationale. C’est en cela que les fondements de la République sont gravement fissurés, affaissés, dégradés. Cette République sociale et solidaire, dont la force était de garantir la souveraineté de la nation et celle des individus, de protéger les citoyens contre le fait accompli de la loi du plus puissant, de la concurrence de plus en plus faussée.
    La loi Macron porte une certaine idée de la société et des êtres humains. Ce ne peut être la nôtre. Son sens et ses conséquences doivent être étudiés, décryptés, débattus dans des ateliers citoyens, dans les usines, les magasins, les bureaux, les quartiers. Au nom de la République et d’une certaine idée du progrès humain, unissons-nous pour la rejeter. Cette édition spéciale de l’Humanité est un outil unique pour décrypter ce projet régressif et pour mobiliser autour de soi pour le mettre en échec.

    C’est un service à rendre à l’intérêt général, aux idéaux de la gauche, à vos voisins, collègues de travail, membres de votre famille.

    N’hésitez pas à le diffuser largement autour de vous. Il est temps de mettre un coup d’arrêt au « régressisme » en cours.

    C'est fait 

  • LU DANS LIBE

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    PHOTO/Archives CL

    J'ai eu la chance de travailler dans le passé avec l'architecte  Alexandre Chemetoff , homme de talents et de bon sens  , je porte çi-dessous l'entretien qu'il a eu avec Libé au sujet des grilles sur les bancs anti publics

    Les grilles anti-marginaux posées sur neuf bancs du Champ-de-Mars ont placé Angoulême au coeur de l'actualité en ces fêtes de Noël. Politiques, anonymes et commerçants se sont abondamment exprimés. Mais il est une voix que l'on n'avait pas encore entendue, celle d'Alexandre Chemetoff, l'architecte-urbaniste qui a conçu la place du Champ-de-Mars. Libération a pu s'entretenir avec lui

    Le Grand prix de l'urbanisme en 2000 a suivi de près les événements. "J'ai la même réaction que tout le monde, qui consiste à penser que c'est scandaleux et inapproprié. Mais quand on est dans la position qui est la mienne, d'avoir conçu un espace public partagé, on est doublement choqué car si l'on place des bancs, c'est pour qu'ils soient utilisés et que l'espace gagne ainsi son qualificatif de "public", explique t-il à nos confrères.

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    Alexandre Chemetoff rappelle que les bancs "sont tout le symbole de cette place et de sa fonction". Ainsi, il estime que "cette façon d'emprisonner les bancs pour les rendre inaccessibles est un détournement d'une oeuvre qui a été faite, je le rappelle, avec les élus de l'époque."

    L'architecte n'a donc guère apprécié l'idée de voir ses bancs mués en gabion, pas plus que la défense de la municipalité. "On accuse toujours les architectes des dysfonctionnements. C'est parfois vrai mais c'est surtout une manière pour les élus de se défausser car la réponse est profondément politique. [...] Il est terrible qu'avec ses cages et ses galets, le maire fasse une réponse de mauvais architecte. Il me met sur la sellette en laissant penser que c'est le banc qui est à l'origine du problème mais les sans domicile fixe se mettent près des centres commerciaux parce que c'est là qu'il y a du passage et des gens. Cette histoire est vraiment une faillite politique. Quand nous avons gagné ce concours, la discussion portait sur la question de savoir si le lieu le plus sûr était l'espace privé de la galerie commerciale, surveillé par des vigiles, ou l'espace public de la place. Le fait que ce dernier ait été attaqué de cette façon par les autorités municipales dit en creux que le seul espace sûr serait l'espace privé. Et c'est là un véritable aveu d'échec politique."

  • LES 35 HEURES

    C'est la conclusion du rapport d'une commission d'enquête parlementaire que s'est procuré AlterEcoPlus.

    Oubliez tout ce que vous avez pu lire ou entendre sur les 35 heures. AlterEcoPlus s’est procuré le projet de rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’impact économique, social et sociétal des 35 heures qui doit être rendu public mardi 16 décembre. Et le bilan («le vrai bilan», article consultable sur abonnement) va à l’encontre de la plupart des idées reçues. Dans une interview donnée au site économique, la rapporteure de la commission, la députée socialiste Barbara Romagnan, résume:

    «Entre 1997 et 2001, il n’y a jamais eu autant d’heures travaillées partagées par tous en France. Deux millions d’emplois salariés dans le secteur marchand ont été créés sur cette période. Aucune politique ne s’est révélée plus efficace par le passé

     

    39 personnalités issues du monde politique, syndical, universitaire, de l’administration et de l’entreprise ont été auditionnées. Selon le rapport, «presque aucune des personnes auditionnées ne demandait une remise en cause des 35 heures».

    Dans un propos liminaire, le président de la commission, le député UDI Thierry Benoit, souligne «le travail sérieux accompli par notre rapporteure Mme Barbara Romagnan, même si je ne partage pas les conclusions de son rapport. Chacun pourra se forger sa propre opinion».

    Les conclusions en question, les voici (l’ensemble du rapport est consultable sur AlterEcoPlus, le gras est de Slate):

    ● La réduction du temps de travail décidée par la loi de 1998 a contribué à ce que l’économie française crée davantage d’emplois qu’elle ne l’aurait fait sans cette loi sur la même période. Le chiffre de 350.000 est le plus communément admis. Entre 1997 et 2001, l'Insee estime à 2 millions les créations d'emplois salariés dans le secteur marchand. Il n’est aujourd’hui pas possible de dire combien d’emplois supplémentaires auraient pu être créés si le processus de réduction du temps de travail n’avait pas été interrompu en 2002.

    Cette réduction n’a pas coïncidé avec une dégradation de la compétitivité de notre pays notamment parce qu’elle s’est accompagnée d’une accélération des gains de productivité.

    La France reste ainsi attractive et se place régulièrement dans le trio de tête des IDE (investissements directs à l’étranger).

    • La réduction du temps de travail, comparée à d’autres politiques publiques mises en œuvre pour stimuler l’emploi, notamment celles qui reposent sur des baisses de cotisations sociales sans conditions, apparaît moins coûteuse pour les finances publiques, au regard du nombre d’emplois qu’elle a permis de créer.

    • Elle a permis une réorganisation du travail dans les entreprises de plus de vingt salariés grâce à la relance et au dynamisme du dialogue social pour aboutir à des accords.

    • La réduction du temps de travail s’est traduite, pour la majorité des salariés qui en ont bénéficié par une amélioration de l’articulation entre le temps passé au travail et le temps consacré aux activités personnelles, familiales ou associatives. Elle a également permis un rééquilibrage, limité mais réel, des tâches ménagères au sein des familles.

    Les études disponibles laissent penser que ce processus, s’il avait été mené à son terme, pouvait constituer un puissant élément de recomposition des temps au service de l’égalité hommes-femmes.

    A l’aune de ces auditions et des documents à notre disposition, il apparaît que la réduction du temps de travail a constitué un outil pertinent et efficace de lutte contre le chômage, un outil de transformation de la société et d’amélioration de la qualité de vie.

    Quinze ans après, il convient de tirer lucidement les leçons des expériences passées de réduction du temps de travail, de leurs conditions, de leurs effets positifs mais aussi de certains effets négatifs qui peuvent expliquer les critiques.

    L’objectivation de ces derniers est l’un des acquis majeurs de ce rapport, et a pu également faire l’objet d’un large consensus au sein de la commission.

    On peut évoquer à ce titre:

    l’intensification du travail, repérée dans plusieurs secteurs, et qui s’est parfois accompagnée de souffrance pour les salariés;

    les fortes tensions dans la fonction publique hospitalière en raison d’un décalage entre l’application de la loi et le temps des recrutements importants, étalés de 2002 à 2000. Elles ont été incontestables mais les difficultés ne résultaient pas uniquement de la RTT;

    • les difficultés qu’aurait pu engendrer l’application de la loi aux entreprises de moins de 20 salariés.

    Ces effets, s’ils doivent être pris en compte et corrigés, n’invalident en rien le principe de cette politique. Pour se poursuivre, elle devra s’ajuster à un contexte qui n’est plus celui des lois Aubry. Il nous appartient aujourd’hui, au travers de la négociation sociale, d’accélérer l’amélioration de la qualité de vie au travail, dans le secteur privé et dans le secteur public, de permettre aux jeunes de construire leur parcours professionnel et de ramener de nombreux chômeurs vers l’emploi.

    Laisser perdurer un chômage de masse serait faire courir à notre pays le risque d’une explosion sociale prochaine.

    Voilà qui va faire plaisir à Martine Aubry.