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  • FREJUS VILLE SINISTREE

     

           par Alain Fortuit

     

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    Je  reproduis ici un article de notre camarade Alain Fortuit, paru dans le numéro 218 de Démocratie&Socialisme (octobre 2014).

    Fréjus est tombée dans l’escarcelle du Front National aux dernières municipales. Il s’agit d’une des plus grosses communes gagnée par le FN. Et puis Fréjus, tout juste séparée de Saint-Raphaël par un petit ruisseau, appartient à un des pôles touristiques les plus fréquentés au monde en période estivale. D’où les nombreux focus de la presse nationale, voire internationale, sur le séisme qu’a constitué le choix honteux des Fréjusiens. Retour sur cet événement traumatique et premier bilan d’une gestion qui s’annonce déjà comme particulièrement calamiteuse.

    La résistible ascension de David Rachline

    À l’issue du premier tour, le FN vire en tête avec 40 % des voix. Les sondages donnaient le PS devant la droite divisée, il n’en a rien été. Le PS paye la politique antisociale de Hollande, mais aussi, malgré une campagne plutôt dynamique, des cicatrices indélébiles qui divisent encore son camp. Le PS jette l’éponge, afin de laisser la droite se rassembler pour battre le FN au deuxième tour. Mais les têtes de listes à droite, le maire sortant, Elie Brun, et son ancien adjoint, Philippe Mougin, se sont déchirés jusqu’au bout devant des électeurs médusés, en maintenant deux listes, face au FN. Cependant, au deuxième tour, 55 % des électeurs dont les suffrages se sont partagés entre les deux listes de droite restées en lice, ont voté sans espoir et même souvent sans désir de voir l’objet de leur choix triompher. Ils ont juste voulu exprimer leur rejet du FN. Avec 45 % des voix David Rachline devient maire de Fréjus.

    Malgré 55 % des suffrages exprimés, l’ex-équipe municipale se retrouve dans l’opposition avec en prime toutes ses turpitudes passées exposées au grand jour. Comment s’expliquer cette course effrénée vers la défaite ? Rachline mis à part, à qui profite le crime ? Georges Ginesta, député maire de Saint-Raphaël, a soutenu jusqu’au bout Mougin dans sa démarche sans concession. Ginesta et Brun dirigeaient la communauté d’agglomération ensemble, ce qui ne les empêchait pas de se détester cordialement. Certains dossiers fréjusiens restaient en travers de la gorge du maire de Saint Raphaël, notamment la construction d’une mosquée à la frontière de sa ville. C’est donc sans état d’âme que Ginesta, maire de St-Raphaël (UMP), a fait la peau de Brun, maire de Fréjus (ex-UMP), déjà fragilisé par une gestion très controversée lors de son dernier mandat. Dès lors, Ginesta peut diriger la communauté d’agglomération (CAVEM) sans partage, Rachline étant cantonné dans l’opposition. Le maire de Saint-Raphaël confie la vice-présidence à Mougin, son homme-lige à la municipalité de Fréjus. Service bien rémunéré...

    Rachline en campagne promettait aux Fréjusiens un référendum sur la mosquée. Depuis qu’il a été élu, il a mis la pédale douce sur cette question, mais le maire de Saint-Raphaël n’en démord pas. Il somme Rachline, dans la presse locale, de tenir ses promesses électorales. Mougin, en service commandé au sein du conseil municipal de Fréjus, tient le même langage. Nous le voyons, il ne faut pas trop compter sur la droite « républicaine » locale pour faire un contre-feu face à l’extrême droite.

    Entre orthodoxie budgétaire, incompétence et idéologie sécuritaire

    Que dire du début de mandat du nouveau maire de Fréjus ? Contrairement à ses collègues du Luc et de Cogolin (villes proches de Fréjus passées au FN), Rachline n’a pas commencé par mettre les doigts dans la confiture. Il semble même qu’il veuille réduire le train de vie des élus, afin de montrer ce que doit être une gestion vertueuse. Économies, économies, voilà son credo.

    Le budget est monté au pas de charge et présenté au conseil municipal sans débat d’orientation budgétaire au préalable. L’opposition se risque à quelques critiques, parfois pertinentes, mais au final, s’abstient. Pourtant, ce budget est catastrophique. Les économies se font essentiellement au détriment du budget de fonctionnement. Les départs à la retraite dans les services ne seront pas remplacés. Les dotations aux associations sont toutes revues à la baisse. Les associations les plus touchées sont celles qui assurent une certaine cohésion sociale et un mieux vivre ensemble. L’AMSLF qui anime toutes les activités sportives de la ville pour les jeunes et les moins jeunes voit son budget diminué de 30 %. Pire, les trois centres sociaux que compte la cité se retrouvent avec des dotations amputées de 50 à 60 %. Ces coupes sombres sont justifiées par le fait que leurs comptes en banque sont trop bien garnis ! En fait, ces associations ont de la trésorerie en banque, car nombre de leurs projets budgétés pour l’année ne sont provisionnés qu’une fois complètement finalisés, et, entre temps, il faut bien assurer les fins de mois du personnel. Chose que ce jeune maire inexpérimenté semble ignorer…

    Toutes les lignes budgétaires sont revues à la baisse sauf une : celle concernant la police municipale. Il ne fait aucun doute qu’en augmentant ses effectifs la police municipale, investie par le FN, va changer de nature.

    Premier bilan de la gestion frontiste

    Quelques mois sont passés depuis le vote du premier budget FN à Fréjus. Dopé sans doute par les universités d’été du FNJ dans sa ville, le maire en a profité pour supprimer un des trois centres sociaux que compte la cité, sa directrice, par ailleurs socialiste, étant jugée trop partisane dans sa gestion. Le soi-disant manque de neutralité de la directrice du centre de Villeneuve ne peut justifier la fermeture de cette structure et la mise à pied de son personnel. En fait, le maire compte monter une autre structure pilotée directement par la mairie avec un personnel renouvelé. Les deux autres centres sociaux savent ce qui les attend.

    Rachline nous promettait une gestion « propre », débarrassée de ses scories clientélistes, mais les choix faits cet été pour l’animation de la ville ont montré le contraire. Ces animations ont bel et bien été déléguées à des sociétés privées appartenant à des militants FN. Dans une ville essentiellement touristique, on se doute que les bénéfices engrangés sont conséquents.

    Par petites touches, les entorses à la démocratie locale et à la liberté d’expression se multiplient. Ainsi, le maire et ses adjoints essaient par tous les moyens d’interdire la présence de journaliste dans des réunions de conseil de quartier pourtant publiques. Le maire a fait modifier la charte de ces conseils de quartier et c’est ce qu’il voulait sans doute cacher à la presse. Ces conseils avaient été promus par la gauche et Elie Brun avait déjà expurgé de leur fonctionnement tout ce qui pouvait constituer une entrave à sa gestion des affaires. Dorénavant les présidents de ces conseils seront désignés par le maire lui-même et bien sûr chaperonnés par un élu de la majorité. Plus un cheveu ne doit dépasser dans les rangs.

    Le dernier épisode en date, c’est évidemment l’entrée de Rachline au Sénat ; Il faut en tirer toutes les leçons. Rachline se notabilise. C’est désormais un poids lourd dans la vie politique du Var. C’est une défaite pour le maire de Saint-Raphaël qui fait figure d’arroseur arrosé, ultime victime de son propre complot contre l’ancien maire de Fréjus.

    Par ailleurs, il est évident que pour passer, Rachline a dû rallier à sa cause des grands électeurs UMP, ce qui en dit long sur les passerelles qui existent à présent entre l’extrême droite incarnée par le FN et la droite « républicaine » rassemblée dans l’UMP. Ainsi, Elie Brun, l’ancien maire de Fréjus, s’est répandu dans la presse en se félicitant de la défaite de Ginesta. Déjà, c’est limite… Mais il a en outre félicité abondamment le jeune sénateur FN pour son élection au Sénat en faisant valoir que Rachline incarnait la jeunesse, donc l’avenir de la nation !

    Et puis on sait que le FN, par le truchement de Marine Le Pen, tonne haut et fort que le Sénat ne sert à rien et aussi que le FN est contre le cumul des mandats. Rachline, mais aussi Ravier à Marseille, sont donc des cumulards et en se présentant aux sénatoriales montrent qu’ils sont sans principe et que ce sont des menteurs.

    Dans les années 30, les partis fascistes ont joué leur partition dans un contexte historique leur conférant un rôle particulier. Ce rôle était d’anéantir de manière durable le salariat en tant que classe organisée. Pour ce faire, les fascistes ont su mobiliser contre les travailleurs et leurs organisations toute une masse d’artisans et de boutiquiers que la crise économique jetait dans la pauvreté.

    Aujourd’hui, malgré la crise économique et les divisions de la gauche, le scénario ne peut se reproduire à l’identique, car, face au petit noyau qui détient le capital, plus de 85 % de la population appartient au salariat et il n’existe pas de couches intermédiaires capables de lui confisquer ses droits par la force. C’est, assurément, sous d’autres formes que la barbarie capitaliste s’exprimera, en l’absence d’un basculement du rapport de force en faveur du salariat. Il convient donc de dénoncer le FN pour ce qu’il est : le plus ringard, le plus réactionnaire, le plus misérable des partis de droite, mais ne le dénonçons pas pour ce qu’il ne peut être, car, comme l’agitation frénétique du chiffon brun, les belles explications théoriques laissent de marbre des salariés qui ne croient au pudding que lorsqu’ils y goûtent. C’est sur ses paroles et ses actes que nous devons juger et combattre le FN.