VU DANS RUE 89

L'implantation de huit éoliennes industrielles a poussé une association de l'Allier à déposer plainte contre X pour mise en danger délibérée de la vie d'autrui. Une première. Les plaignants s'appuient sur des études qui prouveraient la nocivité de ces moulins à vent.
Dans la montagne bourbonnaise, plusieurs riverains du parc d'éoliennes géantes craignent en effet pour leur santé.
Que disent les scientifiques invoqués par les « anti » au sujet des sons émis par les éoliennes ?
Nicole Lachat, une biologiste suisse, vient de recenser dans une étude les recherches indépendantes réalisées par des médecins, des biologistes et des acousticiens.
Selon elle, le bruit provoque des « effets néfastes avérés sur la santé, et ces effets ne sont pas seulement auditifs ». (Télécharger l'étude)
Les éoliennes provoquent deux sortes de bruit :
- un bruit audible: au pied de l'hélice, celui-ci atteint 120 décibels – l'équivalent de la puissance sonore d'une boîte de nuit. Plus on s'éloigne, plus il s'estompe.
Les chercheurs Petersen et al. ont montré que le bruit des éoliennes était plus génant que celui provenant d'autres sources (trafic routier, aéroport). Et voir les éoliennes aggrave le sentiment de dérangement des riverains.
Nicole Lachat explique :
« A des vitesses ne dépassant pas 15 m/s, les pales émettent le même genre de bruit qu'un planeur. Des vitesses plus élevées créent des turbulences autour des pales qui émettent alors des bourdonnements. De surcroît, à chaque passage de la pale sur le mat, un “wouf” est émis. »
- des infrasons : on ne les entend pas mais le corps les perçoit. Certains chercheurs pensent que ces sons, puisqu'on ne les entend pas, sont sans danger pour la santé . Mais d'autres, de plus en plus nombreux, soutiennent au contraire que les infrasons produits par les machines sont les plus nocifs pour les riverains.
Le syndrome éolien : maux de tête, tachycardie
La pédochirurgienne américaine Nina Pierpont a mis un mot sur les souffrances des riverains liées aux nuisances sonores : le syndrome éolien. Elle a mené une recherche auprès de 38 habitants vivant juste à côté d'éoliennes industrielles et dont les symptômes se sont développés après la mise en service des engins.
Elle a constaté plusieurs symptômes récurrents chez ses sujets :
- troubles du sommeil,
- maux de tête,
- acouphènes (bourdonnements ou tintements dans les oreilles),
- sensation d'augmentation de la pression à l'intérieur de l'oreille,
- vertiges (étourdissements et sensations d'évanouissement),
- vertige (sensation du corps ou de la pièce qui tourne),
- nausées,
- troubles de la vue,
- tachycardie (accélération des battements du cœur),
- irritabilité,
- problèmes de concentration et de mémoire,
- angoisses associées à des sensations de palpitations ou de frémissements internes, surgissant pendant l'éveil ou le sommeil.
L'apparition des symptômes n'est pas immédiate. Les personnes s'exposant quelques heures aux éoliennes ne sont pas affectées. Ils ne concernent donc que les individus en contact permanent avec les turbines. Parmi les riverains, les enfants et les personnes âgées sont les plus exposés au syndrome éolien.
D'après Nicole Lachat :
« Plusieurs études montrent qu'en présence de bruits de basse fréquence, les symptômes et le degré à partir duquel les personnes sont gênées augmentent au fil du temps et qu'il n'y a pas d'habituation. »
Elle cite un médecin australien, le docteur Laurie, qui a constaté les mêmes maux. Cette dernière se montrerait même plus alarmiste quant aux effets néfastes des infrasons : l'apparition des symptômes varie d'un cas à l'autre, de quelques semaines à plusieurs mois, avec une aggravation au fil du temps. Surtout, Laurie a constaté que les infrasons pouvaient se propager jusqu'à 10 kilomètres dans des zones montagneuses ou rurales.
8 000 éoliennes d'ici 2020
En France, la distance minimale entre une éolienne industrielle et une habitation est de 500 mètres. Des chercheurs préconisent d'augmenter cette distance. Nicole Lachat estime :
« [qu']un certain consensus semble se dessiner autour d'une distance minimale de 1,5 à 2 km. Il est toutefois nécessaire de prendre également en compte que chaque situation environnementale est particulière. »
Face aux résistances de plus en plus virulentes des riverains, la nécessité d'études sur le long terme pour connaître ces effets durables devient urgente. D'autant que l'éolien se développe considérablement en France. L'objectif affiché du Grenelle de l'environnement est d'atteindre 8 000 éoliennes d'ici 2020. Aujourd'hui, on en compte environ 3 500.
Photo : des éoliennes en Andalousie (LordFerguson/Flickr/CC).



Un projet de parc éolien sème le trouble dans trois communes du nord du département de l'Ariège. Ses opposants remettent en cause sa pertinence énergétique, dépassant le classique débat sur l’enlaidissement du paysage.
La centaine de militants de l’ADCPE dénoncent justement ce risque. En abordant les questions économique et énergétique, les anti-éoliens ont dépassé le niveau habituel des débats sur l’éolien, trop souvent réduits à l’enlaidissement du paysage ou aux oiseaux pris dans les pales. L’association a ainsi remis en cause pointé les effets pervers de l’électricité éolienne. Premier écueil, l’irrégularité de la production. « Les éoliennes du pic d’Estelle ne tourneront que 2 200 heures par an, explique Claude Cambus, ancien cadre d’EDF et sympathisant de l’ADCPE. Cela impose de trouver d’autres sources d’énergie pour les 6 560 heures restantes, que ce soit à partir de nucléaire ou de gaz. » Avec toute la bonne volonté du monde, construire des éoliennes pour éviter le stockage des déchets nucléaires pourrait finalement conduire à... en construire d’autres pour combler les trous de production ! « J’accepterais d’empoisonner le paysage si c’était la condition de la survie de mes enfants », ajoute Claude Cambus. Mais pour cet ancien retraité, qui a aussi travaillé pour le Conseil économique et social, l’intérêt écologique des éoliennes est loin d’être établi. « L’électricité française est produite à 95 % à partir du nucléaire et de l’hydraulique, sans dégagement de gaz à effet de serre. L’éolien ne réduit donc pas ces émissions. » Les anti-éoliens préfèrent militer pour le bois énergie. La forêt ariégeoise s’étale sur 220 000 hectares de forêt, et seul un quart de son accroissement naturel est exploité. A terme, selon Claude Cambus, elle pourrait produire l’équivalent de cent éoliennes.