TOUS EN TETE
J'ai reçu comme vous l'enveloppe des professions de foi des candidats à l'élection présidentielle. Je n'en ai lu aucune puisque j'ai mon champion et que je connais les idées des autres. Et puis je n'ai pas trop le temps. En revanche, par politesse quand on reçoit n'importe quel courrier, je feuillette, je m'attarde sur la photo de première page et le slogan qui l'accompagne. Voilà ce que les dix candidatures m'ont inspiré :
D'abord, il y a une grande division entre ceux qui vous regardent dans les yeux (Arthaud, Poutou, Le Pen, Dupont-Aignan, Joly, Hollande) et ceux qui regardent de côté (Mélenchon, Bayrou, Sarkozy, Cheminade). Qu'est-ce qui justifie ce choix, politiquement, médiatiquement ? Droit dans les yeux, le candidat interpelle le citoyen, c'est bien. Visage de profil, le regard semble porter vers l'avenir, ce n'est pas mal non plus. Je remarque que tous ceux qui ont choisi cette dernière option se tournent sur leur gauche, même les candidats de droite ! Pour le lecteur, c'est plutôt la flèche du temps qui est suggéré, le futur étant alors à notre droite. Comme quoi l'interprétation est compliquée ...
Je m'intéresse ensuite au décor (le fond, c'est important ...). Il y a ceux qui ont simplement derrière eux une couleur unie : chez Arthaud, c'est tout blanc, genre photo d'identité. Bayrou, Le Pen et Dupont-Aignan ont le même fond (n'y voyez pas une allusion politique) : bleu pâle, délavé. Mélenchon a mis un rouge foncé (pas surprenant !) harmonisé à sa cravate. Sarkozy et Hollande ont choisi un joli bleu ciel, avec l'océan pour l'actuel président et un paysage terrestre pour le prochain président. Deux candidats ont choisi de faire figurer une scène particulière : des gens chez Poutou, sûrement des manifestants, un bâtiment avec des grilles sinistres chez Cheminade, champion du fond le plus pourri. Et Joly ? Pas de décor ! Sa tête mange toute la photo, s'étale en très gros jusqu'au cadre. Elle est la seule à oser ça.
Le seul qui sourit franchement, à montrer les dents, visiblement content, c'est Bayrou. Tous les autres ont le sourire discret. Le visage de Le Pen est tout en retenu, presque tendu, s'efforçant de ne pas montrer sa vraie nature, gueule de facho. Sinon, à part Poutou le révolutionnaire, tous les hommes portent la sacro-sainte et bourgeoise cravate. Joly évidemment exhibe ses lunettes ridicules, passées du rose au vert, qu'on dirait tirées d'une panoplie d'enfant.
Pour finir, il y a les slogans (c'est essentiel en politique, le slogan). Quatre candidats font référence à la France, solidaire (Bayrou), forte (Sarkozy), libre (Dupont-Aignan) et Le Pen ("Oui, la France", slogan le plus nul, à l'image de la candidate). Cheminade, lui, évoque carrément le monde, "sans la City ni Wall Street" (pourquoi pas le cosmos, puisque ce candidat propose la conquête de Mars ?) Deux candidats se réfèrent au changement, le vrai chez Joly (parce qu'il y a un faux ?) et maintenant chez Hollande (autant ne pas tarder). Mélenchon a le slogan le plus bizarre : "Prenez le pouvoir". Je ne vois pas ce que ça signifie. En démocratie représentative, on délègue, on ne prend pas le pouvoir. Poutou est le plus prolixe (deux longs slogans sur la même page !) et Arthaud la plus sobre : pas de slogan, simplement une identité, "candidate communiste" (Poutou se présente comme "ouvrier candidat").
Voilà, il ne vous reste plus maintenant qu'à aller voter dimanche.