Communiqué d'Amnesty International le 05/08/2015
Une enfant de trois ans hissée au-dessus des barbelés pour tenter de rejoindre l’Angleterre. Une image qui à elle seule résume tout le drame des réfugiés aujourd’hui : obligés de se mettre en danger pour trouver une protection qu’aucun Etat n’est prêt à leur donner spontanément.
Cette jeune fille s’appelle Isra et elle est Erythréenne. D’après les médias , accompagnée de sa mère, elle tenterait de rejoindre son père déjà présent en Angleterre depuis deux ans.
Toutes les deux ont fui l’Érythrée, pays au sombre bilan en matière de droits humains. Avec le Soudan, l’Éthiopie ou la Syrie, c’est l’une des nationalités présentes à Calais.
Le parcours que retracent les médias ressemble à celui de millions d’autres personnes à travers le monde qui ont tout quitté pour échapper à la guerre ou à la persécution.
Or, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’exil n’a jamais été aussi important.
Plus de 50 millions de personnes ont dû abandonner leur foyer et parfois leurs proches pour se mettre en route, forcé de chercher refuge. Parmi elles, 17 millions ont même été obligées de quitter leur pays.
Les pays qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés, à savoir les pays les moins riches, n’ont plus les capacités d’honorer, seuls, leurs obligations.
Les conditions d’entrée sur les territoires se durcissent, les droits ne sont plus garantis, comme l’illustre la situation au Liban où un habitant sur quatre est réfugié de Syrie ou encore en Égypte où ces derniers sont plutôt indésirables.
La dégradation de la situation sécuritaire dans nombre de pays de transit ou de premier refuge conduit malheureusement une partie de ces personnes à reprendre une deuxième et parfois une troisième fois leur migration forcée.
L’Europe devient alors naturellement un autre territoire où chercher refuge.
À CALAIS COMME AILLEURS, LA SOLIDARITÉ ET LA PROTECTION DOIVENT PASSER EN PREMIER
A moins de perpétuer le cycle de l’échec de ces quinze dernières années, les gouvernements anglais et français doivent changer radicalement leur approche de la situation.
Ériger des murs, renforcer la surveillance, nier les liens évidents qui peuvent exister entre certaines personnes présentes à Calais et le Royaume-Uni ne mènera nulle part, sauf à davantage de souffrances.
Trop de personnes, y compris des enfants, depuis trop longtemps, risquent leur vie et leur intégrité pour être protégés. Ces personnes ont des droits. La France et le Royaume Uni sont tenus de les respecter.
La France doit assurer l’accueil, y compris un hébergement digne, pour toute personne qui recherche une protection sur son territoire.
Quant au Royaume Uni, qui tente de se défausser de ses responsabilités, il est obligé d’accepter sur son territoire les personnes qui, notamment quand il s’agit de la réunification familiale, ont le droit de s’y rendre.
Les deux gouvernements doivent aussi s’entendre pour partager ensemble la responsabilité de protéger les réfugiés.
C’est triste de devoir obliger les Etats à respecter les droits des personnes qui fuient la violence, la persécutions, les guerres. En Europe, nous avons un mémoire trop court. Il y a à peine 60 ans, c’était nous qui cherchait l’asile. Et si, c’était nous qui devait obliger notre fille à escalader des murs de barbelés ?