Franchement, ce fut éprouvant. Des crampes en prime time. Celles des compétiteurs plantés pendant deux heures derrière leurs pupitres comme des premiers communiants. Celles, maxillaires, des téléspectateurs dans leurs canapés, luttant bravement contre l'engourdissement à s'en décrocher la mâchoire.
Le premier débat entre les trois candidats socialistes n'avait pas grand-chose à faire à la télévision,même sur les chaînes parlementaires. Bien sûr, on a entendu des démonstrations intelligentes, patiemment construites et parfois instructives. Mais tout cela tenait plus du grand oral dont on avait soigneusement raboté toutes les aspérités que de l'effervescence démocratique dont cette émission se réclamait. A qui s'adressait-on vraiment ? Aux militants socialistes, aux Français ou au microcosme parisien invité à jouer au Qui dissimule Quoi ? Hélas, c'est cette troisième catégorie qui a été privilégiée, consciemment ou non, par les trois champions du PS.
La fausse spontanéité, la prudence généralisée et la franchise rhabillée en politesse précautionneuse n'ont laissé aucune chance aux spectateurs de discerner les différences, ni même les nuances, entre les trois rivaux. Un objectif qui, faut-il le rappeler, était celui de ce programme...
Nous avons assisté à une espèce de 100 minutes pour convaincre sans réelle contradiction qui, inévitablement, a donné une image plutôt figée, plutôt poussiéreuse de la politique, imprégnée d'une logique à la fois dirigiste - le dirigeant politique peut vous apporter le bonheur - et consumériste : au lendemain de la présidentielle de 2007, tout va changer, citoyens. Laissez-nous faire, on se charge de tout. Chacun de ces trois VRP de la politique était venu avec son catalogue type:généralisation des 35 heures pour les uns, augmentation du SMIC « tout de suite » de 100 euros, etc, Il ne restait qu'à tourner les pages des bonnes résolutions.
De généralités en considérations floues, tronçonnées par grands thèmes, on est finalement resté dans un brouillard aimable, totalement inoffensif et parfait pour préparer sa nuit.
Ségolène Royal a peut-être été plus didactique, DSK plus technique, Laurent Fabius plus vendeur. Qui a gagné ? Qui a perdu ? Ni l'un, ni l'autre, ni le troisième. Après tout, c'était peut-être le but de cette 1ere opération.