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UNE AFFAIRE EMPOISONNANTE

À Nice, deux tours HLM ont été détruites.Or, elles avaient été mal désamiantées au préalable. C’est le scandale que dénonce l’association SOS Amiante 06, qui affronte les autorités locales et réclame l’ouverture d’une enquête.

Moins d’une seconde. C’est le temps qu’il faut, ce dimanche 19 mars, à deux tours HLM du quartier Pasteur à Nice pour s’effondrer. Cette démolition marque le lancement en Provence-Alpes-Côtes-d’Azur du Programme national de rénovation urbaine cher au ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo. Mais elle marque surtout le début d’une vive polémique : les deux bâtiments ont-ils été convenablement désamiantés avant d’être détruits ? L’association SOS Amiante 06 répond par la négative, preuves à l’appui.

L’affaire débute huit jours avant le dynamitage, le 11 mars. Des analyses d’échantillons commandées par cette association révèlent la présence d’amiante dans les deux tours. Le 14 mars, un référé est déposé au tribunal administratif. L’objectif : obtenir le report du dynamitage afin de pouvoir faire la lumière sur les conditions dans lesquelles le désamiantage a été réalisé. Dans la foulée, des communiqués sont envoyés aux journaux locaux. Le lendemain, une réunion de crise réunit à la mairie le maire  Jacques Peyrat, l’Office public d’habitations de Nice et des Alpes-Maritimes (Opam), maître d’ouvrage du chantier, la préfecture, la Direction des affaires sanitaires et sociales (Dass) et l’Inspection du travail. À l’issue de la réunion, un communiqué annonce le report de l’implosion.

Soulagement du côté de SOS Amiante 06. Mais de courte durée : le 17 mars, la requête de l’association est rejetée par le tribunal administratif. Celui-ci fonde sa décision sur les conclusions du constat d’urgence établi par son expert, qui préconise « une expertise complémentaire [...] indispensable afin de produire un récapitulatif des matériaux contenant encore des fibres d’amiante ». Il précise qu’il « n’est pas à exclure qu’il reste encore certains constituants de la construction amiantés ». Mais il y a un hic : les 950 charges explosives ont déjà été installées et elles sont reliées aux détonateurs. Des deux dangers ­ l’amiante ou la dynamite ­ il a fallu choisir le moindre.

« En repoussant l’implosion des immeubles de Pasteur, on crée un danger bien plus important que celui d’avoir un peu d’amiante sur le chantier », confesse le préfet des Alpes-Maritimes, Pierre Breuil, à Nice-Matin, dans l’édition du 17 mars. « Un peu d’amiante », pas de quoi fouetter un chat ! Le préfet se veut rassurant. Il cite l’exemple du dynamitage, deux ans auparavant, d’une barre d’immeubles de quinze étages à Dijon, qui contenait, elle aussi, « des traces d’amiante dans les colles des dalles de sol ». Et d’ajouter : « Des mesures de la qualité de l’air réalisées au moment de la démolition n’avaient d’ailleurs révélé aucune dangerosité. » Il n’en fallait pas plus au maire pour annoncer qu’il allait, lui aussi, faire réaliser des mesures de la qualité de l’air lors du dynamitage, pour « apporter une preuve supplémentaire à la France entière de l’absence de nuisance de ces fibres d’amiante dans les colles ».

Le 19 mars, les Niçois sont venus en nombre assister à l’explosion. À 11 h 15, les deux immeubles s’effondrent, laissant échapper un immense nuage de poussière. Le ministre délégué à l’Aménagement du territoire, Christian Estrosi, brille par son absence. Il a annulé ­opportunément ?­ sa venue. Car il y en avait encore, de l’amiante, ce jour-là, dans les bâtiments. C’est ce que révèle le « diagnostic amiante » que SOS Amiante 06 a réussi à se procurer. Ce document, réalisé le 20 décembre 2005 par la société Geodem, indique la présence de cette fibre dans les colles des dalles de sol, dans les dalles « par pollution directe » et dans les ragréages (c’est-à-dire sous les dalles). Et cela sur quasiment toute la surface des sept étages des deux bâtiments. Soit environ 7 500 m2,le document signale également la présence de conduits en fibres ciment.

Quelques jours avant la démolition, un courrier de Geodem à l’Inspection du travail confirme ces conclusions et indique qu’il y a eu une « demande orale de l’Opam de modifications à apporter au diagnostic ». Le technicien diagnostiqueur devait « indiquer en conclusion que l’ensemble des matériaux [étaient]des matériaux liés, donc non friables ». Preuve que, maître d’ouvrage du chantier, l’Opam entend dicter ses conclusions à l’expert.

 

SOS Amiante 06, 6 bis, rue Sainte-Claire, 06300 Nice. Contact : Michel Abada : michel_abada@hotmal.com

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