Dans sa fameuse liste des 110 propositions lors de présidentielles de 1981 François Mitterrand avait rangé au beau milieu d’un inventaire de réformes à la Prévert, l’abolition de la peine de mort. Cette mesure allait totalement à contre courant de l’opinion et surtout elle n’avait pas l’heur de plaire à tous les militants de son propre parti. S’il y avait eu, en cette époque de conquête du pouvoir, des forums participatifs, cette décision courageuse n’aurait pas émergé comme prioritaire. Pire elle n’aurait été acceptée que par une minorité de participants malgré le talent incontestable de Robert Badinter. La guillotine garantissait la sécurité des Françaises et des Français. Du moins une majorité d’entre eux le pensait. Et l’affaire Grégory venant après celle de Ranucci avait exacerbé les esprits comme si la vengeance permettait d’oublier l’horreur indéniable des crimes. Si l’on avait prêté en 81 considération aux sondages le cinquantième rang des promesses mitterrandiennes n’aurait absolument pas été accordé à cette suppression de la peine dite capitale.
Seule une volonté politique affirmée et maintenue (pour une fois) a servi une noble cause.
Cet après-midi à Paris une manifestation à laquelle j’aurais aimé participer va rassembler quelques centaines de personnes et de rares personnalités (le courage manque) au départ de la Place de la Bastille afin de réclamer l’abolition totale, sur la planète, de la peine de mort. Elle conclura le sommet, qui a réuni 125 intervenants du monde entier - juristes, militants des droits de l'Homme et personnalité politiques-, en France depuis plusieurs jours. Cette France dans lequel le président a pris l'initiative de l'inscription de l'interdiction de la peine de mort dans la Constitution, une proposition qui sera soumise au vote du Parlement réuni en Congrès à Versailles juste avant la fin de la législature.
Quelques lâches oublieront certainement de venir ce jour là ou s’arrangeront pour ne pas participer au scrutin mais un large consensus devrait exister pour cette modification constitutionnelle. Le Front national et l’extrême droite en général demeurent en effet les seuls à revendiquer ouvertement le rétablissement de l’exécution par décision de justice d’un criminel. Avec des nuances diverses il existe pourtant dans la population un courant également favorable à cette réhabilitation du principe de la loi du talion. Ce sentiment semble ancré dans les esprits depuis la nuit des temps. Et il est partagé par de nombreux pays ayant pourtant des cultures dmonde il n’y aura plus besoin de défiler dans les rues de Paris en partant symboliquement de la Bastille. Les crimes les plus horribles sont d’abord un échec pour la société car elle n’a pas su collectivement les prévenir. Elle a sans cesse chercher, de la manière la plus cruelle même en certaines époques, à les réprimer sans jamais parvenir à les éradiquer. Nul n’a été capable de démontrer de manière irréfutable que la peine de mort avait une influence réelle sur le comportement instantané d’un criminel.
Je garde de mes lectures de jeunesse une émotion particulière lors de la découverte des livres de Caryl Chessman dont le fameux " Cellule 2455 couloir de la mort " qui témoignait non pas de l’hostilité philosophique à la peine capitale (alors la… chambre à gaz) mais à tout ce qui la précédait. C’est de ces moments passés à découvrir que vient mon aversion profonde contre tout acte de mort officiellement organisé. Elle ne variera pas au gré des faits divers ou des sondages.