Les ruraux sont masos
A deux pas du Castillet l’entrée de la Préfecture des Pyrénées-Orientales avait triste allure. Devant ses portes, une quarantaine de tracteurs agricoles ont déversé des bennes et des bennes de … salades vertes. A l’évidence, les paysans producteurs sont en colère. Contre les notables, contre l’Etat, contre la grande distribution. Les CRS sont là, passifs comme il se doit quand il s’agit d’une manifestation agricole…
Ce mécontentement me semble étrange. Il y a à peine une semaine,on a pu voir le Président inaugurer le salon de l’Agriculture devant une profession énamourée, regrettant déjà de perdre ce Chirac qui sait si bien flatter le cul des vaches. Il y a quarante huit heures, un sondage démontrait que Sarkozy, l’apprenti œnologue, était le candidat des agriculteurs. Chirac, Sarkozy : il me semble pourtant que ces deux-là ont eu quelques responsabilités au cours de ces cinq dernières années…
En réalité, ce paradoxe n’est pas vraiment surprenant dans le contexte du monde agricole français. Un monde où les gros se servent des petits comme paravents, en les enrôlant sous la bannière du corporatisme, FNSEA en tête, forteresse inexpugnable contre laquelle la gauche s’est cassé les dents (je pense particulièrement aux tentatives courageuses d’Edith Cresson quand elle était ministre de l’Agriculture).
Et que dire de la PAC – maintenue et imposée sous sa forme actuelle par Chirac – qui fonctionne à peu près avec les mêmes principes. Il s’agit, là aussi, au nom de la défense de l’agriculture, de subventionner largement les gros producteurs en provoquant, non seulement l’exode rural dans nos campagnes, mais aussi et surtout la ruine des agriculteurs des pays du Sud, asphyxiés par des cours mondiaux artificiels parce que subventionnés.
Manifester avec conviction, c’est bien. Mais voter avec discernement c’est mieux. Puissent les manifestants de Perpignan s’en souvenir au mois d’avril.