Violences, abus, menottage : la police nationale encore épinglée
La police nationale a été une nouvelle fois en 2006 l'objet de la grande majorité des plaintes déposées à la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), selon le rapport annuel publié hier.
La commission nationale de déontologie de la sécurité,chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes d'une mission de sécurité publie hier un rapport qui accable la police nationale. Dans son rapport, la commission indique qu'il y a eu au total 140 plaintes enregistrées en 2006 soit 30 % de plus qu'en 2005. Une hausse qu'elle explique par sa « notoriété croissante », six ans après sa création par une loi de 2000.
Du côté des dossiers traités, la progression sur un an est plus forte encore (+50%). Si en moyenne un quart des plaintes se révèlent injustifiées, elles continuent de mettre en cause majoritairement la police nationale. L'autorité administrative indépendante déplore lors des interpellations ou dans les commissariats une « fouille à corps trop souvent banalisée », un « menottage systématique » qui ne s'imposait pas forcément, ainsi que « huit cas de violences illégitimes graves », d'après le rapport.
« Traînée sur la chaussée »
« Personne ne doute que les forces de l'ordre doivent utiliser la force et la contrainte, mais les utiliser à bon escient, de manière proportionnelle », a déclaré lors d'une conférence de presse Philippe Léger, le magistrat qui préside la CNDS depuis fin 2006.
Cela n'a visiblement pas été le cas lors d'une manifestation à Lyon en 2005, où une femme avait été « traînée sur la chaussée » par des fonctionnaires de la BAC (Brigade anti-criminalité) et s'était vu administrer des coups de pieds et des décharges de pistolet Taser.
Selon l'avis de la CNDS, « l'interpellation fut empreinte de brutalité, sans respect des règles élémentaires de la déontologie policière et de la dignité humaine ». La Commission relève aussi « des fautes de commandement » ayant permis à ces policiers d'intervenir sans signe distinctif.
Concernant les fouilles, elle évoque le cas d'un réfugié politique algérien (Habib Souaïdia, auteur du livre « La sale guerre »), « violemment interpellé » par des policiers du poste de police des Halles à Paris, « fouillé, totalement déshabillé dans un couloir ».
Même si elle s'était déjà exprimée sur le sujet cet été, la Commission revient sur le drame de Clichy-sous-Bois qui avait déclenché les émeutes en banlieue à l'automne 2005. Elle « réprouve les conditions de l'interrogatoire du jeune rescapé (..) entendu dans un cadre juridique flou » alors qu'il était encore alité après avoir été grièvement brûlé.
« Meilleure formation »
La CNDS peut être saisie par tout citoyen s'il passe par l'intermédiaire d'un parlementaire ou de la Défenseure des enfants s'il s'agit d'un mineur. Depuis six ans, elle a enregistré un nombre de saisines sans cesse croissant (19 en 2001, 70 en 2003, 108 en 2005).
Pour le député PS Bruno Le Roux, un des quatre parlementaires y siégeant (sur 14 membres au total), ces plaintes en hausse constante s'expliquent par une « meilleure information » sur la CNDS plutôt que par des bavures en plus grand nombre. Toutefois les saisines sont la confirmation que des dérives existent, a fait valoir le Syndicat de la magistrature (SM, gauche), se disant « content de voir que la CNDS joue son rôle ».
Pour Emmanuelle Perreux, présidente du SM, la « vraie question » est la suivante : « Quand l'institution dysfonctionne, que fait-elle pour éviter que ça recommence ? ».
Les syndicats de police se sont montrés à nouveau très critiques sur la CNDS, que Synergie (officiers de police) a accusé d'être « un cercle de déontologues autoproclamés et issus de milieux préservé