On devrait apprendre à tous les enfants à respecter la mer. L'infini leur joue des tours : ils finissent par la croire invulnérable, et ils ont tort. Elle est puissante, c'est vrai. Elle se venge, parfois. Il lui arrive d'être injuste, c'est entendu. Mais elle est fragile. Et quand ils sont devenus grands, les adultes oublient de la protéger.
On devrait apprendre à tous les enfants à respecter la mer et un procès comme celui de l'Erika n'aurait pas lieu d'être : les crimes de l'inconscience écologique n'existeraient plus et l'humanité aurait un fardeau de moins à porter. Ce rêve, hélas, est comme l'écume. Il se dissipe dans la noire réalité des intérêts pétroliers qui, jusqu'au bout, ont tenté de défendre l'indéfendable, renonçant même à réparer les dégâts de l'inconséquence de leur management.
Le verdict de l'Erika est profondément moral parce qu'il s'en prend à une impunité qui insulte les générations à venir. Il apporte aussi un rayon d'optimisme au moment où la planète bleue s'interroge sur son devenir. Sur sa survie.
Les peines prononcées hier montrent à quel point les mentalités ont changé en l'espace de quelques mois.
Il y a trente ans, les ravages de l'Amoco Cadiz sur les côtes bretonnes étaient pratiquement niés comme s'ils devaient passer en pertes et profits des péripéties de la Terre. Certaines communes attendent toujours les indemnisations arrachées pourtant au terme d'une longue lutte à Chicago. Quant au désastre provoqué par l'Exxon Valdez en Alaska en 1989, il n'a jamais été pris en compte à sa juste mesure...
Aucune décision de justice ne pourra effacer les multiples blessures infligées année après année aux océans. Mais les condamnations sonnent comme un avertissement universel. La négligence et le cynisme ne sont plus sûrs de l'emporter en jouant sur d'interminables arguties juridiques. Pour nombre de villages atlantiques, en particulier en Bretagne, c'est une revanche contre des décennies de mépris. Il faudrait une belle tempête pour fêter cet événement force 10.