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RETOUR A REIMS

Après la mort de son père, Didier Eribon retourne à Reims, sa ville natale, et retrouve son milieu d'origine, avec lequel il avait plus ou moins rompu trente ans auparavant. Il décide alors de se plonger dans son passé et de retracer l'histoire de sa famille.Fresque sociale et familiale,

D'un côté, l'ascension sociale du fils d'ouvrier devenu journaliste, son amitié avec Bourdieu et Foucault, et le passage à l'écriture, d'abord sous forme d'entretiens avec le philologue Georges Dumézil ou l'anthropologue Claude Lévi-Strauss, puis d'essais où il analyse la subjectivité homosexuelle. De l'autre, le parcours de ses parents : autrefois communistes convaincus, ceux-ci ont peu à peu été gagnés par le vote Front national, que sa mère lui avoue avec réticence ; se sentant abandonnés par la gauche, montre-t-il, ces "gens d'en bas" ont dès lors mené une "guerre de classes" non plus pour défendre une identité de groupe, mais simplement pour adresser un coup de semonce à ceux "d'en haut

«Retour à Reims» est une autoanalyse poussée à l'extrême, qui décrit  la trajectoire du bon élève d'origine populaire, forcé à une «rééducation quasi complète» de lui-même pour entrer dans un autre monde, fasciné par la découverte de la littérature et du marxisme, qui donc en veut à ses parents à la fois de ne pas être cultivés et de ne pas correspondre au prolétaire idéal. Celle aussi du jeune gay tenu de cacher ses désirs dans un milieu aux valeurs traditionnellement viriles et dans une ville de province où l'insulte à l'égard des homos est la règle : «Je suis un fils de l'injure. Un fils de la honte.»...

 ". Je pensais, constate Didier Eribon, "qu'on pouvait vivre sa vie à l'écart de sa famille et s'inventer soi-même en tournant le dos à son passé et à ceux qui l'avait peuplé" :Ce beau récit mêle la réflexion intellectuelle sur l'identité et l'histoire singulière et intime , où l'auteur liquide un temps révolu tout en rendant un discret hommage à ceux dont il avait voulu se détourner, montre qu'un tel choix n'est jamais tout à fait définitif. Peut-être n'y a-t-il pas de véritable retour possible, mais du moins s'attache-t-on "à se réconcilier avec soi-même et avec le monde que l'on a quitté". On sent, derrière chaque anecdote, le poids de la résistance, le besoin de dire enfin qu'«on éprouve dans sa chair l'appartenance de classe lorsqu'on est enfant d'ouvrier», mais également l'envie d'échapper à son destin pour se griser de liberté

 

Didier Eribon s'interroge sur la multiplicité des formes de la domination et donc de la résistance,et, à défaut d'aimer le défunt, il va tenter de lui rendre justice, en montrant comment «la violence sociale» aura été à l'oeuvre jusque dans leur relation manquée.

Un trés bon livre

Didier Eribon est professeur à la faculté de philosophie, sciences humaines et sociales de l'université d'Amiens. Il a également enseigné à l'université de Berkeley (États-Unis). Auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Réflexions sur la question gay (Fayard, 1999), Une morale du minoritaire (Fayard, 2001), D'une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française (Léo Scheer, 2007), il a été le lauréat 2008 du prestigieux Brudner Prize, décerné chaque année par l'université Yale; 

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