Allez, hissons le drapeau blanc ! Laissons tomber la bataille, perdue d'avance, contre le caractère de Raymond, et les offensives contre les stratégies de Domenech. Il n'est plus temps. On ne va tout de même pas entrer à reculons sur la pelouse de la coupe du monde.
Ce matin, il faut tout oublier. Les matchs nuls et même vraiment nuls, la défaite navrante contre la Chine - 84e au classement mondial - les déceptions, l'absence de jeu, la main de Thierry Henry. On passera même l'éponge sur la communication anti-communicante de cette équipe de France qui semble avoir peur, désormais, de son public comme des journalistes de son pays. Chut ! N'allons pas les déconcentrer... Ça pourrait nuire à l'inspiration spectaculaire dont les Bleus ont fait preuve dans leurs rencontres de préparation.
Oui, soyons amnésiques et laissons, comme on dit, « la magie opérer ». Pour une fois, ce n'est pas un cliché mais du premier degré puisque, après tout, un bon résultat relèvera plus d'une sorte de miracle que de la rationalité sportive. Jamais les Français n'auront cultivé une telle ironie désabusée à l'égard de leur équipe nationale. Ils comptent parmi les peuples les moins mobilisés (62 % tout de même) par l'événement. Même le président de la République, audacieux mais tout de même pas téméraire, a exclu de descendre en Afrique du Sud avant la fin du premier tour... C'est plus prudent, en effet. En ces temps de crise, le foot est devenu une matière sensible. Très, très politique. Imaginez, les répercussions d'une élimination sur un moral des ménages déjà à la cave.
Face aux doutes soulevés par un onze tricolore si peu enthousiasmant, ce sera donc une question de foi. Il faut avoir envie d'y croire, et d'y croire encore au nom du rêve que fait rouler, rouler, rouler le ballon rond au cours de ces 90 minutes de temps suspendu. Ce mois de compétition, c'est, tous les quatre ans, une communion universelle qui parvient à dépasser l'actualité de la planète. Un moment religieux qui aura cette année une dimension particulière parce qu'il a lieu sur le continent berceau de l'humanité. L'Afrique, enfin sur la marche la plus haute du podium, c'est un juste retour des choses. Une reconnaissance émouvante. Et tant pis si la nation arc-en-ciel est encore une démocratie balbutiante voire inquiétante.
Tout à l'heure, au coup d'envoi, Mandela sera là. Quelques minutes seulement, mais elles auront valeur d'éternité. Quand bien même l'apparition de cet homme plus grand que lui-même ne durerait qu'un battement de cils, le coeur de tous les hommes épris d'idéal vibrera au souffle de la liberté