Mitterrand pour l'éternité.
Dans trois jours, nous fêterons les 30 ans de l'accession au pouvoir de François Mitterrand, premier président socialiste sous la Vème République. L'événement est politiquement très important et mérite d'être célébré dans toute son ampleur.
Aujourd'hui, je veux vous parler d'un excellent film documentaire de Lucie Cariès, "Mitterrand, du verbe à l'image", que le Nouvel Observateur a rendu disponible en dvd. Il s'agit d'une étude sur les rapports entre François Mitterrand et la télévision. En revoyant ces images, je me suis souvenu que trois de ses interventions m'avaient particulièrement marqué :
1- Pendant la campagne de 1981, à l'émission "Cartes sur table", devant Duhamel et Elkabbach, quelques secondes avant le générique de fin, à une question sur la peine de mort, il répond qu'il est contre, que les Français sont pour mais que ça ne le fera pas changer d'avis. Quelle audace, quel aplomb !
Cet homme joue son destin présidentiel, il pourrait demeurer évasif, renvoyer la décision à une date ultérieure ou à l'approbation du peuple. Mais non ! Il ose braver l'avis de la très grande majorité, au risque de perdre. De la classe, de la grandeur ! Depuis ce jour, j'ai été plus mitterrandiste que jamais,
2- Décembre 1981, le bruit court que Mitterrand est atteint d'un cancer. A la télévision, interviewé par Cotta et Desgraupes, il nie en bloc, s'amuse de la rumeur, se montre déterminé et en bonne santé. Vu d'aujourd'hui et de ce que nous savons, l'intervention est stupéfiante : Mitterrand était réellement malade et il mentait sur l'état de sa santé.
Quelle ironie du sort, quelle cruauté de la vie ! Cet homme qui se bat 23 ans pour obtenir le pouvoir, qui enfin y parvient et qui apprend, quelques semaines plus tard, que le cancer le frappe ! De quoi être abattu, de quoi devenir mélancolique ...
Mais non : Mitterrand choisit de ne rien dire et de lutter, encore et toujours, pas seulement contre la droite, ni contre les adversaires de l'intérieur, mais contre le mal qui envahit son corps. Mensonge d'Etat pour le bien de la France, pour l'avenir de la gauche. Et il tiendra ainsi douze ans, avant que l'avancée de la maladie l'oblige à avouer. Comment ne pas être admiratif devant un tel homme ?
3- Derniers voeux télévisés, fin 1994, avec cette phrase sibylline et si peu socialiste : "Je crois aux forces de l'esprit et je ne vous quitterai pas", visage émacié, voix éteinte, yeux encore vifs. Devant ma télé, j'en aurais presque chialé. Mais j'ai compris : le plus grand ennemi d'un homme politique, ce ne sont pas ses ennemis, c'est la mort. Et son plus grand problème : comment la terrasser, comment être éternel ? Mine de rien, Mitterrand a répondu, Mitterrand y est parvenu : aujourd'hui on parle de lui, aujourd'hui il est enfin éternel.