Après la proposition de Thierry Mariani, fondateur de "La Droite populaire", Xavier Bertrand a annoncé, dimanche 7 août, la création d'un répertoire unique des allocataires sociaux, d'ici fin 2011, C'est selon lui "la meilleure façon de renforcer la lutte contre des fraudes sociales".
Si personne ne peut nier qu’il faut lutter contre toutes les fraudes, qui peut croire , qu'au moment où le chômage atteint des niveaux extrêmement élevés dans notre pays, où la précarité touche notre population, que c’était l’urgence du moment ?
Qui peut ainsi penser dans cette situation que l’urgence est de s’attaquer aux fraudeurs aux prestations sociales». Qui peut croire que les Conseils Généraux majoritairement présidés par les socialistes, confrontés aux paiements de ces prestations sociales et à l’explosion de celles-ci en raison de la crise et confrontés à des situations budgétaires difficiles, ne sont pas attentifs à tous les moyens pour lutter contre l’explosion budgétaire et donc à la lutte contre la fraude» a-t-il poursuivi.
Alors que Xavier Bertrand et Thierry Mariani présentent le futur répertoire comme un véritable outil destiné à la traque des fraudeurs, le responsable Fraude de la CAF nuance : "Si on prend en compte le coût de la mise en place de ce répertoire, celui-ci ne va pas faire gagner ou économiser de l'argent aux caisses en contrôlant les abus".
Les associations d'aides aux chômeurs, aux familles et de lutte contre la précarité déplorent d'autant plus l'énergie consacrée à la chasse aux fraudes. "Alors que la plupart des fraudes restent très anecdotiques, l'argent que l'on va dépenser pour faire la chasse à la fraude sera supérieur à ce qu'on va récupérer", déplore Patricia Augustin, responsable du secteur Famille et Prestation sociale à la Confédération syndicale des familles, une confédération nationale d'associations familiales.
Les fraudes les plus coûteuses pas concernées
Selon le rapport du député des Bouches-du-Rhône Dominique Tian sur l'ampleur des fraudes sociales, dont les conclusions ont été publiées le 22 juin, c'est la fraude aux prélèvements sociaux, par des cotisations non versées en raison du travail au noir, qui serait la plus lourde, avec un coût entre 8 et 15,8 milliards d'euros.
La fraude aux prestations (sur les indemnités d'arrêts maladie, les allocations familiales, le RSA, etc), qui elle est traquée par le gouvernement et concernée par le répertoire, contrairement à la première, ne s'élèverait qu'à 2 ou 3 millions d'euros.
La plupart du temps, ont relevé à la fois Daniel Buchet et Patricia Augustin, plus que des fraudeurs, ce sont des assurés qui ne bénéficient pas de toutes les prestations auxquelles ils ont droit que les contrôles de la CAF révèlent.
Mener une chasse abusive contre la fraude n'a comme résultat qu'une "marginalisation aggravée" des personnes en difficulté sociale, fustige Patricia Augustin : "On les soupçonne et on les stigmatise alors qu'on devrait les aider à les réintégrer dans la société".
"Il y a d'autres moyens de vérifier si les allocataires font de bonnes déclarations, comme à travers les déclarations de revenus, sur lesquelles les prestations sont calculées. La seule façon de frauder, c'est de faire de fausse déclaration", explique Patricia Augustin. Or les contrôles actuels de la CAF permettent déjà de contrôler ces fausses déclarations. "Le répertoire du gouvernement est très intrusif, alors qu'on pourrait s'en passer", conclut-elle.
La part des fraudes intentionnelles est "très minoritaire", confirme Daniel Buchet. Si le répertoire pourra éventuellement servir à améliorer la fluidité des contacts entre les différents régimes, il n'apportera rien de nouveau et de très efficace dans la lutte contre les véritables fraudeurs, qui sont très peu conséquents, contrairement à tout ce qu'a pu affirmer Xavier Bertrand.
Cette annonce vise à donner, une fois encore, des gages à la droite populaire, qui en avait fait un de ses thèmes favoris, et au-delà à l’électorat du Front national.
Sous couvert de lutte contre les fraudes, la mesure vise à stigmatiser les plus démunis et les plus faibles comme autant de fraudeurs potentiels, tout en renforçant les instruments d’un contrôle social sans grand rapport avec l’idée de justice sociale, de justice tout court.
Elle s’inscrit enfin dans une dynamique de multiplication de fichiers et dans une logique de leur interconnexion, lourde de périls pour les droits et les libertés tant individuels que collectifs.