Jeudi, Nicolas Sarkozy avait rendez-vous avec l'Histoire. C'est le rêve de tout chef d'Etat, surtout sous la Vème République : ne pas être simplement un président qu'on aura oublié avec le temps, mais devenir un personnage historique, "marquer l'Histoire", comme on dit. Ce n'est pas une tâche facile, la volonté personnelle ne suffit pas, il faut que les circonstances s'y prêtent. Une réforme est vite banalisée. Autrefois, on parlait de "gloire", mot qui a vieilli. Mais la réalité est là : il faut épouser l'événement si on veut se faire un nom dans les livres d'Histoire.
Pour Nicolas Sarkozy, l'occasion historique, c'était ce jeudi, où il a été accueilli en Libye comme un libérateur, un héros, soulevant l'enthousiasme du peuple. Lui, perçu en France comme "le président des riches", devenait tout à coup le défenseur des opprimés, le fondateur de démocratie, le chef des armées qui a chassé, avec ses alliés, un dictateur fou et sanguinaire.
Pourtant, dans notre pays, qu'a-t-on retenu de ce moment historique ? Quelques images et gros titres, mais pas grand-chose, parce que les français avaient la tête ailleurs, en regardant leur petit écran : le débat des primaires, qui a fait ce jeudi l'événement. Si Sarkozy a choisi d'aller en Libye pour éclipser le débat entre socialistes, c'est raté, c'est même l'inverse qui s'est produit. Ses conseillers en communication auraient dû le prévenir et envisager pour ce rapide voyage une autre date.
Nicolas Sarkozy tirera-t-il un bénéfice électoral de son succès libyen ? Aucun ! Jamais la politique étrangère n'a eu une influence majeure sur la politique intérieure. Winston Churchill a sauvé son pays de l'hitlérisme et a été battu aux élections qui ont suivi ... Vouloir entrer dans l'Histoire se paie très cher, exige abnégation et sacrifice, oubli de soi, indifférence à son propre avenir. Les peuples sont eux aussi ingrats : ils ne pensent pas aux autres peuples, à l'heure des choix politiques. L'Histoire ne se répète pas : Sarkozy, héros d'un jour, aura l'oubli des manuels scolaires mais peut-être qu'un seul quinquennat.