Dans la littérature prophétique et apocalyptique, biblique par exemple, la fin du monde est annoncée par des signes avant-coureurs, pluie de grenouilles, nuée de sauterelles ou ciel enténébré. En politique, il en va de même pour une fin de règne : la chute de pouvoir est prévisible à certains événements précurseurs. Ainsi, la défaite de Nicolas Sarkozy se lit dans la récente actualité par des faits apparemment anodins mais significatifs, révélateurs d'une époque qui s'achève.
D'abord, il y a cette idée lancée dans le camp du futur perdant que son Premier ministre pourrait être François Bayrou. En appeler à l'adversaire, c'est admettre la défaite, c'est trahir qu'on est aux abois pour en arriver là. Le centriste n'a jamais cessé de critiquer l'actuel président de la République : lui tendre la main, c'est la plonger dans la gueule qui vous mord. La décadence commence quand vos propres forces vous lâchent, comme l'empire romain a décliné dès qu'il a dû recruter des mercenaires chez les peuples barbares.
Ensuite, il y a cette proposition inhabituelle venue de Nicolas Sarkozy : deux débats au lieu d'un seul entre les deux tours. Aucun débat on a déjà vu, mais deux jamais ! On voit mal d'ailleurs l'utilité de ce doublon. La réponse est dans la peur de perdre : le candidat de l'UMP joue son va-tout, se sachant fini. Il se dit qu'une maladresse médiatique de son adversaire peut encore faire mentir le destin. Mais jamais François Hollande ne se prêtera à ce jeu, n'acceptera de prendre ce risque.
Enfin, il y a le spectacle affligeant de ces dernières heures, les ralliements de celles et ceux qui ne veulent surtout pas se retrouver parmi les perdants, qui font le nécessaire pour complaire au nouveau pouvoir après avoir servi l'ancien : Fadella Amara, Corinne Lepage, y compris la patronne du Medef et quelques chiraquiens. Les lois de la politique sont aussi implacables que les lois de la physique : les êtres humains vont vers le pouvoir comme le crachat en l'air retombe inévitablement au sol. Sarkozy et ses partisans vont connaître dans les trois prochaines semaines le chemin de croix des multiples trahisons. Ils m'en deviendraient presque sympathiques.