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L'ARGENT QUI POURRIT LA CONSIENCE DES HOMMES

Le véritable ennemi, j'allais dire le seul, par ce que tout passe par chez lui, le véritable ennemi si l'on est bien sur le terrain de la rupture initiale, des structures économiques, c'est celui qui tient les clés... l'argent, l'argent qui corrompt, l'argent qui achète, l'argent qui écrase, l'argent qui tue, l'argent qui ruine, et l'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes !
-- François Mitterrand, Congrès d'Epinay, 11 Juin 1971

Le 12 décembre dernier,  je rédigeais  sur ce blog , un billet intitulé "Livrer aux chiens" .Toujours mes références à François Mitterrand . Je ne retranche absolument rien de ce que j'écrivais à cette date . Pourquoi ? Parce que je suis républicain et que la République repose notamment sur ces deux principes que sont la présomption d'innocence et le privilège de la preuve. Jusqu'à hier soir, Jérôme Cahuzac avait en sa faveur la présomption d'innocence : il affirmait, les yeux dans les yeux, ne pas détenir de comptes bancaires à l'étranger. Au nom de quoi en aurais-je douté ? Au nom d'une présomption de culpabilité ? Désolé, ce n'est pas dans mes moeurs politiques : je suis républicain, tant qu'un citoyen, quel qu'il soit, n'est pas déclaré coupable, je le considère comme innocent.

Mais n'y avait-il pas des doutes, des soupçons, de la méfiance à entretenir à l'égard de Cahuzac ? Encore une fois, je suis désolé, ce n'est pas dans mes manières, qui sont républicaines : je privilégie la confiance au soupçon, j'écarte les doutes et je ne prends pas au sérieux, je ne retiens que les preuves. Y avait-il la moindre preuve de la culpabilité de Jérôme Cahuzac avant hier soir ? Aucune.

Mais les allégations du site Médiapart ?

Illustration issue du blog de Pascal Colrat

 

 

 

Des affirmations ne sont pas des preuves. Si preuves il y avait, le ministre aurait été mis en examen dès le premier jour de leur publication. Or, il a fallu attendre hier soir. Le site d'Edwy Plenel a permis de faire éclater la vérité , dont acte. Mais ses informations de départ ne constituaient pas par elles-mêmes des preuves. Il faut être très prudent avec ces choses-là et rappeler qu'en République, dans un Etat de droit, seule la preuve a une valeur, et qu'on ne saurait préjuger de rien en son absence.

Les réactions du chef de l'Etat et du gouvernement ont été exemplaires, irréprochables parce que strictement républicaines : tant qu'un citoyen n'est pas déclaré coupable, tant que la preuve n'a pas été apportée de sa culpabilité, il doit être considéré et défendu comme innocent, ministre ou manant. Dès qu'une enquête judiciaire a été ouverte, François Hollande a demandé à Jérôme Cahuzac de quitter le gouvernement : c'était la seule et digne réponse républicaine. Hier, nous avons appris que Cahuzac avait menti, de la façon la plus effroyable qui soit en République, puisqu'il a à la fois trompé le peuple, la représentation parlementaire et le chef de l'Etat. Notre condamnation doit être aujourd'hui sans appel et sans pardon. Le 12 décembre, je ne me suis pas trompé, j'ai rappelé les principes de la République. Mais j'ai été trompé par quelqu'un,ministre socialiste, qui a menti et qui est peut-être corrompu (c'est la justice qui le dira, la présomption d'innocence est tombée quant à sa sincérité, mais elle continue à s'appliquer à propos de l'accusation de corruption).

Politiquement, j'aimerais élever la réflexion bien au dessus des coassements de crapauds qui s'agitent dans leur boue. Depuis des millénaires, la politique est faite de mensonge et de corruption, parce que la conquête et la conservation du pouvoir favorisent le mensonge et la corruption. Les empereurs romains ou les rois de France en sont la démonstration. Un philosophe italien, Machiavel, a même théorisé l'usage du mensonge en politique. Pendant très longtemps, les hommes bons, sincères et honnêtes se trouvaient dans les monastères, pas dans les palais.

Avec la République moderne et la démocratie de masse, tout a changé : la vertu est devenue une valeur primordiale, qui exige de l'homme politique sincérité et honnêteté. Cette idée est toute récente. Autrefois, un homme de pouvoir qui aurait prétendu dire la vérité (il n'y pensait même pas) aurait fait rigoler. Sous la Troisième République, les scandales financiers éclaboussaient régulièrement le pouvoir. Aujourd'hui, cela nous est insupportable, et c'est un grand progrès. Mais nous devons rompre avec plusieurs siècles qui n'allaient pas en ce sens, nous devons lutter contre une nature humaine qui aime l'argent, le pouvoir et qui souvent ment comme elle respire. Regardons autour de nous, cela se confirme chaque jour, dans des proportions certes infiniment moins graves que le crime moral de Jérôme Cahuzac, mais les germes du mensonge et de la corruption sont en l'homme. Ayons tout cela à l'esprit, prenons la distance nécessaire, adoptons un recul historique, ne nous mêlons pas au chant d'indignation faussement morale des crapauds.

Dans cette affaire, la République sort intacte parce qu'à aucun moment elle n'a failli, ses représentants ont eu la dignité nécessaire, un membre pourri n'affecte pas la tête, un homme ne compromet pas une équipe.  Mais les ennemis de la République, ceux que j'appelle les crapauds, s'apprêtent à en faire leur miel, c'est-à-dire leur venin et leur boue. Car ni l'UMP, ni le Front de gauche, qui sont l'une et l'autre républicains, ne bénéficieront électoralement de ce dramatique événement : seulement l'extrême droite, seulement les ennemis de la République. Il nous faut donc pratiquer le consensus et la pédagogie autour des valeurs difficiles et exigeantes de la République, comme j'ai essayé de le faire dans ce billet.  

 

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