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EN VERT ET CONTRE TOUS

Le départ de Noël Mamère des Verts est un petit événement politique. Quitter un parti dont on est le représentant à l'Assemblée, pour lequel on a réalisé le meilleur score à l'élection présidentielle, ce n'est pas rien. Dans Le Monde paru jeudi , Mamère s'explique sur ce départ, avec une formule assez forte, pas banale : EELV est devenu selon lui un "syndicat d'élus", dépourvu de toute idée, de toute proposition. C'est évident, surtout depuis l'accession de Cécile Duflot à sa tête : j'ai souvent dit sur ce blog qu'elle représentait ce qu'il y avait pour moi de pire en politique, l'opportunisme, c'est-à-dire la recherche prioritaire des places au détriment des convictions, la disjonction entre le discours et les actes.

Bien sûr, les Verts n'ont pas l'exclusivité de cette tare. Dans les années 60, la SFIO vieillissante et finissante était elle aussi un "syndicat d'élus", défendant des intérêts personnels et des mandats. Cécile Duflot aujourd'hui, c'est Guy Mollet hier : celui-ci tenait dans les congrès socialistes des discours radicaux, très à gauche, et dans le même temps se rapprochait de de Gaulle pour gouverner avec lui. Pendant les présidentielles de 2012, Cécile Duflot laisse sa candidate Eva Joly tenir un discours protestataire, qu'elle soutient et applaudit, et dans son dos elle négocie avec les socialistes des places au Parlement et des postes dans les ministères, sur un programme de compromis, pour ne pas dire de compromission, qui en tout cas contredisait l'intransigeance de Joly.

Eh oui, c'est ça aussi la politique et c'est que je déteste : des hommes et des femmes en quête de reconnaissance, de pouvoir, parfois de rétribution. C'est hélas vrai à tous les niveaux, y compris au plus bas de l'échelle , y compris local : mieux vaut négocier une place éligible sur une liste donnée à prori mieux placèe sans être gagnante que de partir en tête d'un combat dont le résultat est incertain, qui ne donne que le maigre espoir d'opposant sans rétribution ni avantage. Mais inutile d'insister : c'est ainsi depuis que le monde est monde et les êtres humains, à part quelques notables exceptions, sont fabriqués comme ça ...

Présentement, ce qui sauve le parti socialiste de cette dérive opportuniste, c'est sa culture de gouvernement, qui oblige à avoir le sens des responsabilités : pour gouverner, pour se faire élire, il faut bien avoir un projet, des idées. Mais si François Hollande avait perdu l'an dernier, le parti se serait replié sur ses bastions locaux, comme l'ancienne SFIO, devenant alors un "syndicat d'élus" ne songeant qu'à leur réélection ou à obtenir de nouveaux mandats. François Mitterrand, en transformant la SFIO en PS, avait réussi à introduire le débat d'idées au sein du nouveau parti socialiste, en développant des courants idéologiquement très structurés. Le débat d'idées ou la culture de gouvernement, voilà les deux remèdes pour sortir du "syndicat d'élus".

EELV est traversé par des clans qui se disputent des bouts de pouvoir, mais ce parti ignore le véritable débat d'idées. Il n'a pas de culture de gouvernement, n'a pas véritablement de pratique de la responsabilité politique. Regardez les Verts autours de nous : leur présence politique et médiatique est rarissime, ils interviennent très peu dans le débat public. Leurs élus sont parfois des transfuges, alignés sur le PS pour obtenir des places. Un "syndicat d'élus" ne recherche pas la victoire, mais à placer les siens. On voit bien, dès le départ, que Cécile Duflot est prête à toutes les contorsions pour garder sa place (ce qui d'ailleurs ne préjuge pas du bon travail qu'elle peut faire en tant que ministre du Logement : je n'ai rien contre sa personne et son action, mais je conteste la culture politique qui est la sienne, qui en tout cas est aux antipodes de la mienne).

Un "syndicat d'élus" sacrifie ses plus fortes personnalités, dont il n'a que faire, au profit des tempéraments médiocres, dans lesquels la base peut plus facilement se reconnaître (l'opportunisme va de paire avec le basisme). Chez les écologistes, c'est stupéfiant : plus vous êtes bons, brillants, connus, moins vous avez de chance de l'emporter en interne. Ainsi, Nicolas Hulot, Daniel Cohn-Bendit, aujourd'hui Noël Mamère, mais aussi Alain Lipietz, économiste de renom, ou Yves Cochet, qui n'ont plus guère d'influence au sein des Verts.

Je ne me plains pas de ce que sont les Verts : ils ont les dirigeants et les élus qu'ils méritent, qu'ils se sont choisis, et ça les regarde. Mais je le déplore pour mon parti, le PS, dont les Verts sont les principaux alliés. J'en viens à regretter le bon vieux temps où nous avions les staliniens comme partenaires. Eux, au moins, étaient solides et sérieux, sur fond de stricte idéologie. Prenez Antibes : les Verts, c'est peau de chagrin. Quel électorat peuvent-ils nous apporter aux élections municipales ? Quels experts, quels militants, quels responsables peuvent enrichir notre liste de gauche ?  mais ce sont des alliés loyaux 


Le plus déplorable dans cette triste affaire, c'est que l'écologie est, depuis quelques décennies, le courant politique le plus novateur en France et en Europe. Les problèmes qu'il soulève, les propositions qu'il avance sont d'une extrême importance. Ce parti devrait être normalement à la pointe du débat d'idées. Je compare son apparition, son originalité et son utilité à la naissance du socialisme au milieu du XIXe siècle. Et qu'est-ce que EELV fait de tout ça ? Un petit "syndicat d'élus" ! L'ambition était de sauver la planète ; le résultat, c'est de sauver des places d'élus et des portefeuilles ministériels. Misère !

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