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OUI LE F.N EST UN PARTI D'EXTEME DROITE FASCISTE

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Chez le marchand de journaux le titre de cette revue m'a attiré . Existe t il une pensée fasciste oui bien sur mais le  titre de cette couverture me paraissait provocateur ,  scandaleux, voir  inacceptable pour bien des gens tant les mots pensée et fasciste ne vont pas bien ensemble.

  La filiation Adolf Hitler, Benito Mussolini et Marine Le Pen semble fausse , caricaturale et pour certains, je n'en doute pas, odieuse. Pourtant, il y a 40 ans, elle était naturelle, spontanée, irréfléchie : Le Pen = facho, ça allait de soi, y compris pour des gens de droite, qui estimaient que l'extrême droite était infréquentable, extrémiste, dangereuse, étrangère à leurs valeurs. Je suis resté fidèle à ces années-là, 1970-1980, où l'équation FN-fascisme était évidente à tous. Quand je vois le meeting du 1er mai de Marine Le Pen, son esthétique, sa tonalité, ses thèmes, je me sens totalement conforté dans mon point de vue : oui, ces gens-là sont des fascistes, au fond d'eux-mêmes, malgré toutes les précautions qu'ils prennent à ne pas le paraître.

Sauf qu'aujourd'hui, en 2014, il faut expliquer, argumenter, ce que je fais bien volontiers, puisque manifestement le suffrage universel, qui donne désormais et depuis pas mal de temps déjà des millions de voix au FN, agit comme un essorage : l'extrême droite a été purgée de son eau sale, le fascisme, elle est maintenant propre comme un sou neuf. Mais c'est faux, la crasse fasciste est toujours là. Entre Le Borgne  et sa fille, il n'y a pas eu évolution, encore moins transformation, mais au contraire régression : le géniteur incarnait l'extrême droite traditionnelle, réactionnaire ; avec  fifille, c'est un retour aux pures sources du fascisme, même si cette affirmation prête à sourire ou à douter. J'ai six arguments, que je vous demande de méditer :

1- La quête du pouvoir. Jean-Marie Le Pen n'a jamais cherché à exercer le pouvoir suprême, mais à témoigner de l'existence de sa famille idéologique, à contester ce système politique qu'il abhorre et qui le lui rend bien. Le père est foncièrement un marginal, un groupusculaire, un provocateur ; la fille, au contraire, lisse son discours, parce qu'elle veut parvenir aux plus hautes responsabilités. C'est le premier trait commun à tous les fascismes, qui visent sans exception à s'emparer du pouvoir.

2- La voie légale. Quand on me dit que le FN n'est pas fasciste puisqu'il est légaliste, qu'il respecte les lois de la République, j'éclate de rire. Les fascismes agissent tous ainsi, dans le respect de la légalité, renonçant à leur violence originelle pour se faire pacifiquement accepter. Hitler, après l'échec de son putsch, se présente aux élections, en bon démocrate, et se fait élire dans les formes... Le fascisme est une vermine qui se développe dans le corps de la démocratie.

3- La nouveauté et la jeunesse. C'est une caractéristique du fascisme : être en rupture avec les doctrines qui le précèdent, faire appel à la jeunesse pour se refaire une virginité, paraître étranger aux polémiques du passé. Marine Le Pen dit volontiers qu'elle n'était pas née, lorsqu'on lui demande de se positionner sur les événements tragiques de l'Histoire, Seconde guerre mondiale, etc. Jean-Marie Le Pen assume plus volontiers ses filiations historiques, régime de Vichy et Algérie française, le corpus idéologique traditionnel de l'extrême droite. Sa fille se présente comme politiquement vierge, sans aucune référence, ou presque. Les grands chefs fascistes réagissaient de même. Ils prenaient soin de se distinguer de la vieille droite réactionnaire.

4- Ni droite ni gauche. Initialement, ce positionnement n'est pas réservé aux centristes mais ... aux fascistes. C'est la thèse, très pertinente, que défend depuis longtemps l'historien américain Zeev Sternhell, qui en a fait un ouvrage portant ce titre. Jean-Marie Le Pen s'est toujours défini comme appartenant à la "droite nationale", se prétendant porteuse des véritable valeurs de droite, une droite pure en quelque sorte. Marine Le Pen refuse de s'inscrire dans ce clivage traditionnel, qui est encore à ses yeux une marque du système.

5- L'appel aux technocrates. Alors que Jean-Marie Le Pen s'entouraient de vieux briscards de l'extrême droite, soldats perdus de l'OAS, nostalgiques de Pétain, dévots de l'Ancien Régime, catholiques intégristes, Marine Le Pen va chercher des collaborateurs propres sur eux, au passé irréprochable, des diplômés, des intellectuels, au sein d'une famille politique plutôt habituée aux grandes gueules. Les fascismes procèdent identiquement : Hitler va préférer l'architecte et ingénieur Speer au fanatique Rohm, qu'il va faire assassiner. Comme tout fascisme, le FN s'intellectualise, se technocratise pour se crédibiliser.

6- Le gauchissement de la doctrine. Tout fascisme reprend à la gauche certains de ses thèmes. Hitler va inventer le national-socialisme, un courant qui se veut révolutionnaire. Marine Le Pen récupère des notions qui étaient absolument étrangères à son père : la laïcité, le protectionnisme, l'anticapitalisme. A l'origine et pendant longtemps, le FN a brandi le concept de capitalisme populaire, s'est inspiré de l'ultra-libéralisme reaganien et thatchérien. Nouvelle confirmation d'un tournant, d'une fascisation du Front national sous la direction de Marine Le Pen. La fille, c'est le père en pire. Lui, c'était l'héritage de Franco et de Salazar ; elle, c'est clairement la filiation Hitler-Mussolini.

Mais elle ne ressemble ni à l'un, ni à l'autre, me direz-vous : elle ne tient pas un discours ouvertement antisémite, elle ne prétend pas faire la guerre. Oui, je sais, Marine Le Pen ne porte pas de petites moustaches ni ne donne des coups de menton. Mais le fascisme, ce sont des idées dans la tête, adaptées à leur époque, comme déjà Hitler et Mussolini savaient très bien accommodés leurs propos à l'air du temps : Mussolini passait volontiers pour un homme de gauche et Hitler pour un pacifiste. Car c'est ça le fascisme : ne jamais se montrer tel que l'on est.

Si Marine Le Pen est fasciste, c'est aussi pour des raisons spécifiquement nationales : Zeev Sternhell explique dans ses travaux que le fascisme n'est pas une spécificité italienne ou allemande mais ... française, à la fin du XIXe siècle. Marine Le Pen est donc dans son élément ; elle fait remonter à la surface un fond idéologique très ancien qui est familier à notre pays, aussi étrange que cela puisse paraître. C'est pourquoi je vous recommande l'excellent dernier numéro de Philosophie magazine, qui développe cette idée avec beaucoup de sagacité (en vignette). J'en retiens un seul extrait, de Michel Eltchaninoff (p. 51) : "Marine Le Pen conserve, consciemment ou non, tous les canaux sémantiques de la pensée fasciste traditionnelle : détestation et criminalisation des élites, réveil d'émotions violentes, théorie du complot, défense des valeurs traditionnelles, peur de la dénaturation et appel à la saine réaction du peuple français. Les mots n'y sont plus guère, mais la structure demeure". Tout est dit.

Nous avons  commis l'erreur de sous-estimer le danger FN. Quelques-uns ont succombé à la tentation folle, irresponsable et vaine de l'instrumentaliser. Beaucoup le considèrent encore comme un mouvement de protestation sociale, de colère populaire. Non, ce n'est pas ça : le vote FN, c'est une adhésion à des valeurs fascistes, d'ordre, d'autorité, de xénophobie, sous couvert de préoccupations sécuritaires et sociales au demeurant parfaitement légitimes. Hitler et Mussolini étaient populaires auprès de millions de braves gens et souvent de pauvres gens qui n'auraient pas fait de mal à une mouche. Leur mouvement n'en était pas moins fasciste. Ce mot de fasciste, il ne faut plus que la gauche ait aujourd'hui peur de l'employer, de culpabiliser à son énoncé.  Facho , plus besoin de faire un dessin, tout le monde doit  comprendre .

Le Pen fasciste, c'est le cri qui doit retentir sur son passage, qui n'aurait jamais dû cesser d'être sur nos lèvres.

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