Travail du dimanche : les députés PS attendent Macron au tournant
Emmanuel Macron à l'Assemblée nationale le 29 octobre. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)
Le texte du ministre de l'Economie, qui contient notamment la réforme du travail dominical, est loin de faire l'unanimité dans son camp.
Un «accident parlementaire». C’est le destin que prédisent nombre de socialistes à la future loi Macron sur la croissance. Le texte doit être présenté mercredi prochain en conseil des ministres mais la résistance s’organise déjà au Parlement. Licenciements collectifs facilités, assouplissement des professions réglementées, libéralisation du transport en autocar, recours aux ordonnances pour réformer l’inspection du travail mais surtout élargissement du travail le dimanche: les motifs de colère sont légion au sein de la majorité. «En l’état, c’est injouable, estime donc l’ancienne ministre Delphine Batho. Un accident parlementaire n’est pas à exclure.»
«La réforme quand on est de gauche, c’est plus et mieux»
Le fait que ce texte, sur lequel François Hollande et Manuel Valls, comptent pour amadouer Bruxelles, soit une loi ordinaire change beaucoup de choses pour les parlementaires socialistes. Député de l’Ardèche, Olivier Dussopt s’est astreint à voter les projets de loi de finances depuis le début du quinquennat malgré ses réticences sur le fond. «C’est normal, le budget marque l’appartenance à la majorité mais sur une loi ordinaire c’est différent», explique-t-il, réservant sa décision de vote avant d’avoir le texte final en main. Un ex-ministre ayant croisé Macron il y a peu confirme: «Voter contre cette loi, ça coûte pas cher».
Henri Emmanuelli prévient lui aussi que son abstention pourrait cette fois être un vote contre, à cause notamment du travail du dimanche un «débat ancestral sans résultat économique». A Bercy et à Matignon, «ils ne regardent pas du côté de la réforme mais de la régression. La réforme quand on est de gauche, c’est plus et mieux, pas moins et moins payé. Dans les Landes on ne veut pas du travail le dimanche mais du travail tout court», a expliqué le député lors de l’émission Mardi politique sur RFI. Comme pour la transition énergétique, le texte sera porté au Parlement par une commission spéciale, avec des membres des commissions des lois, des affaires sociales et du développement durable, vu son côté fourre-tout – le secret des affaires pourrait finalement y figurer.
Pour les socialistes, qui ont mené la bataille contre la loi Maillié sur le travail dominical, voter le passage de cinq à douze dimanches ouvrés serait se dédire. Une fois de plus, après la hausse de la TVA, combattue par le candidat Hollande avant d’être augmentée en 2013. Mercredi, la maire de Paris Anne Hidalgo a apporté sa pierre à l’entreprise de démolition. Commandé au nom de sa majorité plurielle qui va des communistes au centre, un rapport conclut à l’inutilité de l’extension du travail le dimanche dans la capitale.
«Jamais candidat à rien»
Au sein du petit monde socialiste, Le profil d’Emmanuel Macron, qui a détricoté le projet de loi de son prédécesseur Arnaud Montebourg, n’arrange rien. Énarque, ancien secrétaire général de l’Elysée, concepteur du CICE et du pacte de responsabilité, le trentenaire n’a jamais été élu ni même candidat. Chacune de ses apparitions dans les médias menace de mettre le feu au groupe PS, des salariées de Gad «illettrées» au déverrouillage des 35 heures en passant par les vertus du contrat unique. Au ministère de l’Economie, «on a remplacé un mec qui avait fait 17% à la primaire par un type jamais candidat à rien: tout un symbole», lâche un parlementaire. Macron pris au piège de son texte – qui fait en l’état 107 articles – l’idée fait rigoler un élu légitimiste: «C’est peut-être un bleu mais il est loin d’être con: il a fait monter tout le monde très haut pour ouvrir un espace de négociation.» Ce qui reste à voir.