Il n’y a pas encore d’éolienne sur le pic d’Estelle. Pourtant le vent de la polémique y souffle déjà. Présenté en 2004, un projet d’une quinzaine d’éoliennes divise la population. Ses opposants dénoncent le gâchis du paysage sur ces crêtes qui jouissent d’une vue imprenable sur les Pyrénées. Pourtant, les trois municipalités concernées, Tourtrol, Coutens et Viviès, sont plutôt favorables au projet. Elles pourraient en effet profiter chacune de 30 à 70 000 euros par an de taxes professionnelles. De quoi faire réfléchir ces communes qui totalisent moins de 500 habitants.
« On sent déjà que les gens se regardent d’un mauvais œil », confie Jean-Luc Mathieu, président de l’Association de défense des collines du pic d’Estelle (ADCPE), qui regroupe les opposants au parc éolien. Pourtant, le projet n’en est encore qu’à ses balbutiements. La campagne de mesures préliminaires de la vitesse du vent s’achève, et la préfecture étudie la demande de Zone de développement de l’éolien déposée par les trois communes. Si elle est acceptée, EDF sera obligé d’acheter l’énergie produite à environ 8 centimes d’euros le kilowatt heure (kWh). Un surcoût qui sera probablement répercuté au consommateur : l’électricité produite à partir du nucléaire coûte en moyenne 2,8 centimes d’euros le kWh.
La centaine de militants de l’ADCPE dénoncent justement ce risque. En abordant les questions économique et énergétique, les anti-éoliens ont dépassé le niveau habituel des débats sur l’éolien, trop souvent réduits à l’enlaidissement du paysage ou aux oiseaux pris dans les pales. L’association a ainsi remis en cause pointé les effets pervers de l’électricité éolienne. Premier écueil, l’irrégularité de la production. « Les éoliennes du pic d’Estelle ne tourneront que 2 200 heures par an, explique Claude Cambus, ancien cadre d’EDF et sympathisant de l’ADCPE. Cela impose de trouver d’autres sources d’énergie pour les 6 560 heures restantes, que ce soit à partir de nucléaire ou de gaz. » Avec toute la bonne volonté du monde, construire des éoliennes pour éviter le stockage des déchets nucléaires pourrait finalement conduire à... en construire d’autres pour combler les trous de production ! « J’accepterais d’empoisonner le paysage si c’était la condition de la survie de mes enfants », ajoute Claude Cambus. Mais pour cet ancien retraité, qui a aussi travaillé pour le Conseil économique et social, l’intérêt écologique des éoliennes est loin d’être établi. « L’électricité française est produite à 95 % à partir du nucléaire et de l’hydraulique, sans dégagement de gaz à effet de serre. L’éolien ne réduit donc pas ces émissions. » Les anti-éoliens préfèrent militer pour le bois énergie. La forêt ariégeoise s’étale sur 220 000 hectares de forêt, et seul un quart de son accroissement naturel est exploité. A terme, selon Claude Cambus, elle pourrait produire l’équivalent de cent éoliennes.