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SOUVENIRS

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Au pied du sapin, ce texte de Jérôme Bonnet, qui réserve à plumedepresse ce qu’il ne publie pas dans Siné Hebdo, son habituel canal (historique) d’expression. Joyeux Noël à tous les plumonautes !

Il était une fois deux jeunes garçons, pas très finauds, qui s’ennuyaient ferme dans leur fac de Droit parisienne. Un bel été, ils décidèrent d’aller faire un tour sur la côte d’azur, histoire de rigoler un peu. Ils n’allaient pas être déçus.

La nuit du 5 au 6 août, le bon maire de La Croix-Valmer, riant village du golfe de Saint-Tropez, surprit deux individus en flagrant délit de siphonnage de son réservoir d’essence. Devant ses cris, les ombres prirent leurs jambes à leur cou et disparurent dans la nuit provençale, abandonnant derrière eux une voiture qui, en fin de co(n)mpte, s’avèrera n’être pas tout à fait leur propriété légitime.

La maréchaussée locale, prestement mise en branle par le Premier magistrat, ne tarda pas à les débusquer un peu plus loin. Occupés à tenter de mettre en route un autre carrosse, tout aussi autochtone, ayant eu le malheur d’être parqué sur leur chemin. Mais les pandores ne parvinrent à mettre la main que sur l’un d’entre eux, le second leur filant à nouveau entre les doigts. Ce n’est que le lendemain matin qu’ils mirent un terme à la battue, ayant pris le second, « dans un état lamentable, les pieds ensanglantés, les vêtements déchirés », dans leur filet. Dans un éclair de génie, le compère leur demanda de le raccompagner jusqu’à son bateau, ancré non loin de là, à Cavalaire-sur-mer. Les avait-il confondus avec des capitaines de soirée ?

Toujours est-il qu’obligeants, les policiers ne se firent pas prier pour l’y accompagner séance tenante. Et tant qu’à s’y être déplacés, à procéder à une perquisition en règle de l’embarcation, des fois que s’y trouvât également la sardine qui bouchait le port de Marseille. De clupéiforme géant, il n’y avait point, mais la fouille ne fut pas exempte d’intérêt. Ils y dénichèrent « des pièces de voitures, des papiers d’identité volés ainsi qu’un pistolet 6,35 garni de 5 cartouches ».
Autant de délits auxquels vinrent s’ajouter, au terme de l’enquête rondement menée, le vol à Saint-Cyr le 2 août de la première voiture, abandonnée le réservoir à sec, d’une autre à Laréol le 19 juillet, l’usage de fausses plaques d’immatriculation, ainsi que l’emprunt d’un moteur de bateau le 23 juillet à Villefranche-Laranguais.

La morale de cette histoire ? C’est que la société, qu’on dit pourtant vindicative, sait fermer les yeux et oublier bien vite les erreurs de jeunesse, puisque la condamnation qui s’ensuivit, plutôt clémente au vu de l’équipée, fut d’un an de prison avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve. Qu’aujourd’hui, pd amplus de quarante ans après, les faits sont couverts par la prescription. Et qu’avoir été jeune et con n’empêche pas de connaître un avenir radieux et une brillante carrière, car les deux barbares qui semèrent ainsi le désordre sur le littoral méditerranéen avaient pour nom Alain Madelin, ex-ministre du tourisme de Chirac, et Patrick Devedjian, actuel ministre de… la Relance.

Jérôme Bonnet

PS : Tous les faits énoncés dans ce conte sont tirés de l’édition du 11 novembre 1965 du Petit Varois, authentifiés par la rédaction – actuelle – de Nice-Matin.

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