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LES ZONES D'OMBRES D'UNE REVOLUTION

La révolution roumaine, qui fête son vingtième anniversaire, a commencé par un modeste rassemblement populaire. Elle fut ensuite récupérée par Ion Iliescu, un ancien apparatchik communiste.

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La révolution débuta à Timisoara, dans l'ouest du pays, le 15 décembre 1989. Au tout début, il ne s'agissait pas de chasser Ceausescu, mais de soutenir un pasteur protestant, Laszlo Tokes, 38 ans, qui critiquait ouvertement la dictature.
 Accusé de rébellion par les communistes, lâché par sa hiérarchie ecclésiastique, Tokes (*) est muté au village de Mineu, loin de Timisoara, ce que lui-même et ses fidèles refusent. Leur détermination sera l'étincelle qui déclencha la révolution.

Hué en public

 La première manifestation commence le 15 décembre devant l'église où prêchait Tokes, rue Timotei Cipariu, au centre de Timisoara. C'est le rendez-vous de la minorité hongroise.
 Très vite, des slogans politiques fusent : « Jos Ceausescu » (à bas Ceausescu). L'armée et la Securitate tentent de disperser les manifestants. Les premiers tirs sur la foule -et les premiers morts- datent du 17 décembre. Cela décuple les protestations. Le soulèvement populaire ne s'arrêtera plus.
 Le 21 décembre, un événement inouï se produit sur la grand place de Bucarest. Ceausescu fait un discours devant des milliers de Roumains : il traite de hooligans les manifestants de Timisoara. C'est alors que des huées partent crescendo de la foule. Le dictateur (qui est au pouvoir depuis 1965) doit arrêter net sa péroraison, le bras encore tendu en direction de la foule. C'est sur cette dernière apparition menaçante que prennent fin vingt-quatre ans de tyrannie.
 Le soulèvement populaire n'est toutefois pas l'unique explication de la chute de Ceausescu. Ce dernier était depuis longtemps lâché par Moscou : il n'avait aucun soutien à attendre de Gorbatchev. Dès lors que le peuple roumain se rebellait, son sort était scellé.
 Cela ne l'empêcha pas de tenter une dernière agression dans l'idée de liquider les barricades dressées à Bucarest : la Securitate continue de tirer sur les manifestants.
 Le 22 décembre, Ceausescu, en fuite, est arrêté. Un Front de salut national apparaît ; il est présidé par Ion Iliescu, 59 ans, un ancien apparatchik communiste qui récupère la colère populaire et sera le premier président de la Roumanie après la chute de Ceausescu. Ainsi le communisme hâtivement revêtu d'habits neufs resta-t-il aux commandes, privant les Roumains d'un changement semblable à celui qu'avaient connu les Polonais quelques mois plus tôt avec la victoire de leur syndicat Solidarnosc.

« Ici débuta la révolution
qui a mis fin à la dictature »

 La rapidité avec laquelle Ceausescu et son épouse Elena sont jugés en trois jours puis exécutés le 25 décembre reste une zone d'ombre. Le procès, quoique télévisé, est une parodie de justice. Le Front de salut national tire les ficelles. Avec le recul, on constate qu'à part Nicolae Ceausescu et sa femme, peu d'anciens responsables communistes ont été sommés de rendre des comptes ; rares sont ceux qui ont été condamnés à des peines de prison. Une partie des Roumains regrette l'absence d'une loi qui aurait interdit aux anciens membres de la nomenklatura communiste d'occuper des postes administratifs importants.
 « La société roumaine pense que toute la vérité n'a pas été dite sur les événements de 1989. Tous les coupables (des morts recensées pendant la révolution) n'ont pas été punis », admettait timidement, lundi dernier, le chef de l'Etat Traian Basescu (centre droit), qui vient d'être réélu.
 Reste le souvenir des bouleversements de 1989. A côté de la porte de l'ancienne église du pasteur Tokes, une modeste mais fière plaque rédigée en roumain, hongrois, allemand et serbe, les quatre langues parlées à Timisoara, signale l'importance de ce lieu : « Ici débuta la révolution qui a mis fin à la dictature ».

 

D. J.

(*) Laszlo Tokes est aujourd'hui évêque à Oradea (nord-ouest) ; il siège à Strasbourg comme eurodéputé au nom du petit parti de la minorité hongroise de Roumanie.
Édition du Dim 27 déc. 2009 des Derniéres Nouvelles d'Alsace 

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