Mr Frêche est un grand habitué des petites phrases nauséabondes et de polémiques stériles qui font parler de lui. Dans une région où le Front National a longtemps fait de gros scores, il sait exploiter la vaine démagogique pour conquérir et garder le pouvoir. Mais le rejet de l'autre, de l'étranger ou simplement de celui qui est différent, le juif, le noir, n'est pas son seul créneau.
Mr Frêche se fait aussi le parangon d'autres oppositions qui fleurent bon le poujadisme : celle des élites parisiennes contre le bon peuple de Province, celle des technocrates contre les gens de terrain, celle des intellectuels contre les défenseurs d'une culture populaire.
Dans une société aussi mal en point que la nôtre, il utilise sa faconde méridionale, son don de la rhétorique pour caresser dans le sens du poil toutes les peurs, tous les rejets. Pourtant, le Président de la région Languedoc Roussillon n'est en rien un perdreau de l'année. Universitaire, diplômé d'HEC, il fait partie de l'élite. Elu de la république depuis presque 40 ans, il fait lui aussi partie intégrante de ces cumulards dont les Français ne veulent plus.
Toutes ses allusions passées contre les harkis, les noirs de l'équipe de France de football, ne sont pas des propos de quelqu'un qui se serait laissé emporter par sa fougue et son bagou. Il est trop intelligent et a trop de métier pour cela. Ces propos ne doivent rien au hasard, ils sont le résultat d'une méthode politique qui depuis 40 ans met tout en oeuvre pour conquérir le vote pied noir, important dans la région, au risque de franchir régulièrement la ligne jaune.
Assurément, Mr Frêche a mené une politique de progrès à Montpellier ou à la région, pour autant, il n'est pas le seul, d'autres dans leurs collectivités le font aussi. Mais pour être de gauche, pour se revendiquer du parti de Jaurès ou de Blum comme il le fait, il ne suffit pas d'avoir une politique en matière sociale, culturelle, ou économique qui soit progressiste.Etre de gauche, c'est aussi défendre des valeurs d'humanisme, de respect de l'autre, valeurs que l'ont ne retrouve pas dans les saillies de l'élu du Languedoc. Etre de gauche, c'est aussi respecter le pacte républicain et se comporter en démocrate respectueux de la parole de l'autre. Si on en croit les nombreux comptes-rendus des débats au conseil régional du Languedoc Roussillon faits par la presse, Mr Frêche bafoue régulièrement ces préceptes.Mr Frêche, n'est plus digne de représenter la gauche parce que ses propos tournent le dos à tout ce qui fait l'histoire de ce camp politique. En se comportant comme il le fait, il donne des gages à l'électorat le plus réactionnaire et conservateur du Languedoc, il légitime des idées nauséabondes et terni un bilan politique qui pourrait être bon.
Pour toutes ces raisons, Martine Aubry, et avec elle la direction du Parti Socialiste a eu raison de refuser son soutien à la candidature de Frêche. Cette posture arrive tard , mais elle était nécessaire. Il devenait urgent de rappeler qu'on ne peut pas tout dire ni tout faire en politique, que même dans ce milieu de requins, il y a des valeurs morales avec lesquelles on ne doit pas transiger. Surtout si on est de gauche et que l'on est élu au nom de ces valeurs.
Certes, la liste soutenue par le PS ne gagnera peut être pas les élections. Certes, Mr Frêche en se posant comme le défenseur des sans grades, peut rester président de la région Languedoc Roussillon. Pour autant, le geste de Martine Aubry qui consiste a préférer ses valeurs à la conservation d'une région, est fort. Cet acte politique ne vaut pas que pour les régionales, sur le long terme, Martine Aubry a posé des jalons importants, ceux d'une femme ferme sur ses convictions et ses valeurs, qui ne transige pas avec l'image qu'elle se fait de la gauche.