Camarades sénateurs.
Les sénateurs socialistes ont fait part à Martine Aubry de leur opposition au projet de non cumul des mandats pour 2 011, qui pourrait selon eux leur interdire la conquête historique du Sénat. Je ne suis évidemment pas d'accord avec eux et je souhaite que Martine ne plie pas. Pour plusieurs raisons :
1- Le non cumul des mandats est réclamé par l'opinion. Si l'on veut redorer l'image de la politique, il faut en passer par là. Les cartes de visite en accordéon tellement s'y accumulent les mandats et présidences en tout genre sont devenues insupportables. La République, c'est la répartition des pouvoirs, pas leur concentration. Quant à l'efficacité de ces collections, inutile d'en parler.
2- Les militants socialistes ont tranché, ils veulent massivement le non cumul, cette décision est souveraine, irrévocable et s'impose à tous, même à nos camarades sénateurs. Sinon à quoi bon nous avoir fait voter ? Avec le système des primaires, l'interdiction du cumul des mandats est la mère des batailles de la rénovation. Les primaires vont dissoudre l'appareil par le bas (le déverrouillage des sections) et le non cumul par le haut (la fin des notables). Le socialisme a tout à y gagner.
3- "Les mandats sont des tremplins pour gagner", nous disent nos camarades sénateurs. Ce qui signifie que pour être élu il faut déjà être élu. Je ne sais pas si cette logique est vraie, mais je la crois bien peu socialiste ni même très républicaine. Et puis, si on la généralise, pourquoi ne pas choisir désormais n'importe quel candidat à n'importe quelle élection parmi les élus ? Mais n'est-ce pas déjà un peu le cas ? Enfin, personne n'en sait rien : il n'est pas certain que des briscards ne finissent pas par susciter le rejet et des novices emporter au contraire l'adhésion et se faire élire. D'ailleurs, on ne parle jamais des cumulards qui font perdre leur parti.
4- Adopter maintenant le non cumul à gauche ne serait-il pas suicidaire puisque la droite ne suivrait pas ? Nos camarades sénateurs parlent à juste titre de "désarmement unilatéral". Ne faudrait-il pas que la loi l'impose à tous et qu'on n'en reste pas à une disposition interne au seul PS ? C'est l'argument le plus sérieux, malgré tout je ne le suis pas. La gauche doit donner l'exemple, sans attendre, et s'appliquer d'abord à elle-même ce qu'elle prône pour les autres. Aux yeux de l'opinion, nous ne pourrons qu'en tirer un bénéfice immense.
5- Mais est-il bien judicieux d'appliquer le non cumul alors que nous sommes en capacité de remporter l'an prochain la majorité sénatoriale ? Et puis, s'il faut attendre qu'il n'y ait pas d'élection en vue pour adopter le non cumul, on peut attendre longtemps puisqu'en démocratie il y a toujours une élection en vue.
Camarades sénateurs, ne craignez rien, soutenez Martine Aubry dans sa volonté de lutter contre le cumul des mandats. Mais je reconnais que si j'étais sénateur, je ne tiendrais peut-être pas ce discours-là.