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LES 23 SONT 30

Des Bleus au blues national

On aimerait le croire mais, avouons-le, le doute l'emporte.
 « Je suis sûr que l'équipe de France fait toujours rêver. » En prononçant cette profession de foi, hier soir sur TF1, Raymond Domenech avait les yeux qui brillaient. Sans doute était-il sincère mais cette conviction tenait plus de l'autosuggestion que du constat rationnel. Bien sûr, le dynamisme de la victoire pourrait, en quelques matches, transformer le scepticisme en enthousiasme mais, à un mois du début de la coupe du monde, le grand élan populaire de la France pour son équipe n'est franchement pas au rendez-vous. Un récent sondage ne montrait-il pas que les joueurs n'inspirent pas, massivement, un sentiment de sympathie ?
 L'annonce de la fameuse liste des trente pouvait apparaître comme un événement bien dérisoire comparé à l'actualité haletante de ce début de semaine. Ce serait réduire le football et le Mondial à du sport quand il représente bien davantage. La question de l'équipe de France, c'est, en effet, de la politique à l'état brut. Elle suscite des passions oecuméniques qui font voler en éclats les clivages idéologiques traditionnels. Rassembleuse et charismatique, elle prend forcément une intensité nationale autant que populaire qui lui donne un statut particulier dans l'information.
 D'une certaine façon, les Bleus échappent au réel tant ils appartiennent au domaine du symbole, fétiches d'une identité collective dans laquelle chacun voudrait se reconnaître le temps d'une compétition universelle. L'exigence envers eux et ce qu'ils représentent est d'autant plus élevée que chacun place en elle une partie de son propre imaginaire national. Et c'est là, précisément, que surgit l'incompréhension. Cette équipe n'est pas parvenue, jusqu'à présent, à provoquer cette adhésion et cette reconnaissance qui lui permettraient de porter le rêve d'un pays.
 Manque de panache, manque de classe, manque de style... manque d'âme, pour tout dire. Il va falloir beaucoup travailler pour restaurer cette dimension qu'avaient trouvée les vainqueurs de 1998 et de 2000. Raymond Domenech possède cette originalité de tempérament et de ton qui aurait pu donner corps à cette ambition. Les approximations presque loufoques de sa prestation d'hier soir, après de nombreux épisodes tout aussi glorieux, ne sont pas à la hauteur des attentes d'un public qui ne demande qu'à s'emballer et... à rêver plutôt qu'à rire jusqu'à en pleurer de tristesse devant le spectacle décevant de son équipe. Raymond, de grâce, étonne-nous.

 

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