En sortant enfin du bois et en annonçant ses réelles intentions sur la réforme des retraites, le gouvernement a véritablement déclaré la guerre au monde du travail. Avec une communication soignée, un calendrier particulièrement choisi et resserré, des syndicats divisés, il s'est donné les moyens d'aboutir à ses fins. Du moins à court terme, parce que sur le long terme, il me semble que les choses ont bougé dans l'opinion publique ses derniers temps.
François Fillon et Nicolas Sarkozy disposent d'atouts indéniables pour que leur réforme soit adoptée avant la fin de l'année. Outre les raisons évoquées ci-dessus, ils bénéficient de la crise et du sentiment de résignation qu'elle implique. Ce sentiment est d'ailleurs particulièrement fort chez les jeunes qui ont intégré depuis longtemps l'idée selon laquelle ils n'auraient pas droit à la retraite. Idée fausse évidemment, mais que le gouvernement et les médias font tout pour valider.
De plus, le pouvoir sait parfaitement jouer sur la division pour diviser les Français et affaiblir le mouvement social. En sortant les règimes spéciaux de la réforme, en donnant des garanties aux cheminots, il a acheté la paix sociale. De fait, la grève d'hier a été moins suivie que d'habitude.
Pourtant, si la bataille est mal engagée, ce dernier point laisse augurer un peu d'espoir à court terme pour les syndicats. En effet, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, il était indénialble pour tous ceux qui étaient dans la rue hier, que les manifestations étaient plus importantes qu'en mars, ce qui veut dire que cette fois-ci, c'est le secteur privé qui s'est le plus mobilisé. Il s'agit là d'une donnée nouvelle que peu de médias ont noté mais qui a une importance fondamentale pour la suite.
Pour moi, vu le calendrier choisi par le gouvernement, et avec l'aide des vacances et de la Coupe du Monde de football, je ne vois pas comment la réforme peut ne pas être adoptée à la rentrée. Mais cela ne veut rien dire, le CPE et la réforme de 1995 sont là pour nous rappeler que les Français peuvent faire reculer le pouvoir même quand les lois sont votées.
Par rapport à 2003, il y a en effet un élément qui a complètement changé. A l'époque, l'argument selon lequel il fallait faire payer les revenus financiers et le capital trouvait peu d'impact dans l'opinion. La crise et son lot d'injustices est passée par là, et si elle amené de la résignation, elle entraîne aussi une nouvelle prise de conscience. En 2010, chacun sait désormais qu'il existe d'autres sources de financement pour les retraites.
Enfin, toujours par rapport à 2003, il y a un autre élément nouveau : le comportement de l'opposition. Cette fois-ci, elle est au rendez-vous, avec un projet alternatif, qui est crédible, et démontre qu'il existe bel et bien d'autres pistes que celles de taxer toujours le travail.
Dans les mois qui viennent, Nicolas Sarkozy et ses amis vont peut-être gagner une victoire politique. Elle n'est pas définitive, car hier le mouvement social a commencé à relever la tête. Tout n'est pas joué !