De nombreuses polémiques ont eu lieu ces dernières années sur la qualité de l’eau fournie par les entreprises privées de gestion de l’eau potable en France. Nitrates, pesticides, métaux lourds, radioactivité, médicaments… Certains problèmes de qualité d’eau durent depuis plus de dix ans sans qu’une solution efficace soit trouvée. Ainsi en Seine et Marne certaines communes ont des taux de nitrates de plus de 60. La raison de ces dérives ? Les mairies qui n’investissement pas assez et les compagnies des eaux qui exploitent des sources contaminées. Ainsi à Mouthiers-sur-Boëme, des taux de pesticides 6 à 7 fois supérieurs à la norme ont été découverts par les habitants. Ces derniers ont finalement attaqué la SAUR. La bataille à été difficile puis qu’il a fallu apporter la preuve de ces dépassements dans le passé. Finalement, la SAUR a abandonné la source contaminée et a du payer le remboursement de bouteilles d’eau durant 12 ans 32575,96 euros pour les 11 familles qui avaient porté plainte, négligeant du même coup tous les autres habitants soit 11 000 habitants tout de même…
Pour quelle efficacité ?
La maintenance des tuyaux est régulièrement critiquée en France ou elle est généralement substituée par une gestion du risque qui ne répare que lorsqu´il y a un incident. Cette manière de procéder fait que la grande majorité des canalisations d’eau française ont plus de 30 ans d´âge. Ceci explique que la moyenne des fuites d´eau en France est de 26,4% contre 7,3% en Allemagne ou l’eau est gérée publiquement. Nous savons tous combien l’eau est précieuse et nous la gaspillons pour raison de rentabilité financière… Les mesures à prendre pour protéger les nappes phréatiques sont également prises en regard de problématiques financières, mais quel en sera le coût pour les générations futures ?
Liaisons dangereuses ?
Les échanges de personnel entre les grandes entreprises de l’eau et le monde politique sont symptomatiques des liaisons dangereuses qu’entretiennent les deux mondes. C’est pas un hasard si l’on disait que le nom de Vivendi (qui devient Veolia en 2003) n'était rien d'autre qu'une abréviation pour « VIVier pour ENarques en DIsponibilité » tant l’ENA est un gros fournisseur de managers chez Veolia. En retours, n’oublions pas que l’état est un gros actionnaire de Veolia. Voici quelques exemples lumineux de transferts entre les deux mondes :
- Henri Proglio, PDG de Veolia, est un grand ami de Rachida Dati, ex-ministre de la Justice
- Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères, puis ministre de l'Intérieur et enfin Premier ministre, a été conseiller international chez Veolia
- Eric Besson, à la tête de la Fondation Vivendi (Veolia) a été responsable du programme économique du parti socialiste, puis ministre de Sarkozy
- Stéphane Richard, directeur de Veolia Transport, passe en 2007 directeurs de cabinet au ministère de l´Économie et des Finances
- Sylvain de Forges, directeur financier de Veolia, cumule ce titre avec celui de PDG de l'organe du Ministère des Finances chargé de la gestion du patrimoine et des dettes de l'État : l’Agence France Trésor
- Rainier d'Haussonville, directeur Affaires européenne chez Veolia, a été chef du Secrétariat général des affaires européennes au Ministère des Affaires étrangères, puis Conseiller aux affaires économiques européennes dans le Cabinet du Premier Ministre
- Jean-Pierre Denis, président de Dalkia (Veolia-Environnement), après avoir été secrétaire général adjoint de l'Elysée, est passé conseiller de Jacques Chirac
Joachim Bitterlich, vice-président exécutif de Veolia, fut un proche collaborateur du chancelier Allemand Helmut Kohl
Selon Dominique Voynet « Le Syndicat des eaux est une sorte de caricature d'un certain système. Depuis des décennies, les grands partis se répartissent les présidences de syndicats : à l'UMP, le Sedif ; au Parti communiste, les services funéraires ; au PS, les ordures ménagères. Au moment de voter, les accords tacites passés il y a bien longtemps sont reconduits, ce qui assure une certaine stabilité, à la fois des équipes et des pratiques, à la tête de ces grands syndicats ». Tout est dit.
Et dans le monde ?
Veolia Environnement propose ses services à de nombreuses villes françaises, mais aussi anglaises, allemandes et du monde entier. Veolia disposant, de fait, d'un savoir-faire considérable dans les domaines de la recherche-développement et de l'ingénierie financière. En période de crise, les compétences dans les domaines financiers sont au moins aussi importantes que la maîtrise technique des problèmes de gestion de l'eau. C'est ainsi que bon nombre de municipalités dans le monde font appel à Veolia…
Dans un article sur la privatisation, j’avais cité l’exemple de la Bolivie : En Bolivie, une grande vague de privatisations a eu lieu. Ainsi en 1999, l'entreprise gérant l'eau potable de la 3e ville de Bolivie, Cochabamba, a été privatisée et une concession jusqu'en 2039 a été négociée avec une compagnie jusqu’alors inconnue dans le pays « AGUAS DEL TUNARI ». Dès cette date, le prix de l'eau a augmenté de 30% à 300% suivant les cas. Avec cette augmentation, certaines familles modestes consacraient plus d'un quart de leur budget à l'eau potable. Les sources qui appartenaient aux paysans ont également été confisquées et privatisées. Des lois votées sur mesure protégeaient la société privée gérant l'eau. Les textes de loi suivant la lecture que l’on en faisait pouvaient même prévoir l’interdiction de récupérer l’eau de pluie. Devant cette pression insoutenable pour la population, des émeutes ont eu lieu. La situation pour le gouvernement est devenue réellement dangereuse lorsque les habitants apprirent que l’entreprise « AGUAS DEL TUNARI » était en réalité la propriété du groupe américain « BECHTEL ». Étant donné l'ampleur de la protestation citoyenne, le président n’a pas d’autre choix que d’instaurer, en avril 2000, la loi martiale.
Cela conduit à de nombreuses arrestations de contestataires et syndicalistes. Le but de la loi martiale étant de rétablir l'ordre et d’acter les privatisations. Au plus fort de la crise qui devenait incontrôlable, des tireurs d'élite ont été employés par le gouvernement. C’est ainsi que le jeune Victor Hugo Daza (16 ans) a été abattu ainsi que six autres personnes. Des dizaines de femmes et adolescents furent blessés par ces tireurs. Finalement, après six mois de manifestations intenses, l'entreprise BECHTEL qui quitta la ville rapidement et le gouvernement firent marche arrière sur cette privatisation.
Alors ?
On peut se demander combien de temps encore devrons-nous payer l’eau plus chère qu’elle ne coûte réellement alors que des solutions simples existent. Temps qu’il existera des liaisons dangereuses entre les politiques et les grandes entreprises de l’eau la situation ne sera pas saine et il faudra se résigner a payer toujours plus pour un bien, l’eau, qui sera toujours plus rare.
Largement inspiré de MARIANE2