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ILS N'ONT PAS TUE BEN LADEN

Ben Laden n'est pas mort.

 

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Il y a quand même des choses qui me gênent dans l'annonce de cette mort. A commencer par les scènes de liesse un peu partout aux Etats-Unis. Je les trouve déplacées, comme je trouve inconvenant de se réjouir de la mort d'un homme quel qu'il soit, et quoi qu'il ait fait. Je comprend le soulagement du peuple américain, mais un peu de retenue aurait été bienvenu.

Mais surtout, ce qui me chagrine, c'est l'empressement qu'a eu le président américain à aller devant les caméras et à prononcer cette phrase : "Justice is done" (justice est faite).

On ne se réjouit pas d'une mort d'homme, même d'un criminel de masse, cette satisfaction repose sur pas mal d'ignorance et risque d'engendrer des déconvenues :
 
1- Une victoire de la justice ?  Je suis peut-être naïf, mais il me semblait que la justice ce n'était pas cela, que la justice se rendait à la suite d'un débat contradictoire et équitable, où l'accusé pouvait se défendre et où la vérité pouvait éclater au grand jour.  Non, en démocratie, on n'exécute pas, on arrête et on juge. Là aurait été la victoire de l'Etat de droit, un procès en bonne et due forme du criminel islamiste, avec toute sa vertu d'exemplarité, pas une liquidation par les services secrets.

2- Une victoire de la puissance et de l'efficacité américaines ? En finir avec un tel criminel après dix ans d'enquête, retrouver un homme sans grands moyens alors qu'on dispose de la technologie la plus sophistiquée et des agents de renseignement réputés, j'appelle plutôt cela un échec dans la durée.

3- Faut-il que la CIA craigne encore plus Ben Laden mort que vivant pour se débarrasser de sa dépouille en pleine mer, faisant de l'océan sa sépulture ? En vérité, le risque est grand de l'avoir transformé en martyr, ce qu'il rêvait peut-être de devenir, dans la folie terroriste qui était la sienne.

4- Nos démocraties ne savent plus ce qu'est le fanatisme, depuis qu'elles l'ont écrasé lors de la Seconde guerre mondiale. Les seules passions collectives, c'est de se plaindre du froid en hiver et de la chaleur en été, et au niveau local de se préoccuper des crottes de chien et des trous dans la chaussée. Évidemment, nous ignorons tout et ne sommes plus prêts à affronter ce fanatisme qui nous montre éberlués que des hommes sont capables de se sacrifier pour des causes qui plus est religieuses.

5- Une tête est tombée, symboliquement la plus importante, mais d'autres vont renaître, si ce n'est déjà fait. De ce point de vue, Ben Laden n'est pas mort. Le terrorisme est ce qu'on appelait au XIXème siècle un nihilisme, une rage de destruction en vue d'une régénération de l'humanité. Le monde a toujours connu et souffert de ce terrible mal, islamisme radical aujourd'hui, anarchisme aveugle autrefois, sectarisme de toute sorte depuis longtemps.

C'est un besoin de pureté, une haine de la société qui gagnent des gens fort bien installés, pas du tout malheureux ni marginaux, mais en quête d'un idéal qui se termine dans le fer et le feu. Ben Laden était de ceux-là : famille riche, personnage socialement intégré, cultivé, un visage très doux et une violence inouïe. Voilà ce que l'humanité produit, voilà ce qu'elle devrait cesser de fabriquer.

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