Chaque année, je m'amuse à rapprocher les sujets de philosophie de nos préoccupations politiques. Et généralement ça marche ! En L, les candidats ont dû bûcher la question : "L'homme est-il condamné à se faire des illusions sur lui-même ?" En politique, c'est fréquent mais c'est indispensable : sans l'illusion de pouvoir gagner, on n'agirait pas et on ne gagnerait jamais.
En ES, il fallait disserter sur "La liberté est-elle menacée par l'égalité ?" C'est tout le problème du capitalisme qui privilégie la liberté économique au détriment de l'égalité sociale et toute la tragédie du communisme qui instaure l'égalité collective en sacrifiant la liberté individuelle. J'ai la faiblesse de croire que le socialisme démocratique, lui, concilie la liberté et l'égalité.
En S, les candidats se sont demandés : "Peut-on avoir raison contre les faits ?" Normalement non, puisque "les faits sont têtus", aimait à rappeler Lénine. Mais la politique ne consiste-t-elle pas à forcer le destin, à faire mentir les faits ? Dans la même série, le commentaire de texte est allé puiser chez Pascal, dans ses "Pensées", avec quelques lignes fort utiles pour tout militant politique :
"Dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu'ils se font haïr (...) La vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle ; on ne fait que s'entre-tromper ou s'entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence (...) Peu d'amitiés subsisteraient si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas, quoiqu'il en parle alors sincèrement et sans passion. L'homme n'est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l'égard des autres. Il ne veut donc pas qu'on lui dise la vérité. Il évite de la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur".
Il n'y a pas d'âge pour passer son bac !