Dans tous les centres d'hébergement, à partir de 18h, on dit aux gens qu'il n'y a plus de place", a expliqué Fabienne Binot, du syndicat Sud Santé Sociaux. (Malika Elkord - Le Nouvel Observateur)
L'hébergement d'urgence est le thermomètre de la crise du logement. Depuis plusieurs années, les clochards ne sont plus les seuls à appeler le Samu social. Familles, femmes battues, migrants travailleurs pauvres viennent grossir les rangs des demandeurs d'accueil, renvoyés de centres d'hébergement en hôtels de transit, souvent tenus par des marchands de sommeil.
C'est ce glissement infernal que l'Etat, qui finance à 92% le Samu social, veut enrayer. Il n’y a pas de femmes avec des enfants à la rue a dit le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu dont l'objectif affiché est de remettre dans le circuit du logement des "publics fragiles, mais pas déstructurés".
FAUX
Le virage est brutal. Les crédits alloués à l'hébergement d'urgence sont frappés d'une baisse de 25% cette année. Sur 115.000 places disponibles en France, 4.500 places d'hôtel vont être supprimées pour être remplacées par des locations. Le ministère compte sur les "solibails", ces logements privés que des associations sous-louent. Le but : faire des économies, puisque chaque nuit d'hôtel coûte 17 euros à l'Etat. Benoist Apparu promet de créer 300 nouveaux solibails par mois d'ici la fin de l'année.
En attendant... Le 20 juillet, deux tiers des demandes d'hébergement n'ont pu être honorées dans 34 départements hors Paris, selon une étude de la Fédération nationale des Associations d'Accueil et de Réinsertion sociale pour le quotidien "La Croix". Dans la capitale, ce n'est guère mieux. La mairie va verser une subvention au Samu social pour loger une centaine de familles envoyées aux urgences. En Ile-de-France, il manque 13.000 places d'accueil.
Devant cette situation, Xavier Emmanuelli, président du Samu social, a claqué la porte . Benoist Apparu a beau assurer qu'"on ouvre des locations avant de fermer des places d'hôtel", les associations s'inquiètent. "Que va-t-on faire des gens d'ici là ?" s'interroge Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL (Droit au Logement). "Avec ses calculs d'apothicaire, s'indigne-t-il, l'Etat condamne les gens à la rue." Lui qui avait mis tant d'espoirs dans la loi Dalo (Droit au Logement opposable) de 2007 est déçu. 20.000 familles reconnues prioritaires au regard des critères du texte sont toujours en attente. Le 2 août, les professionnels de l'urgence sociale se sont mis en grève. Benoist Apparu admet que la transition ne se fait pas sans heurts. Mais refuse de s'alarmer : "Après tout, 30.000 personnes à la rue, sur une population de 63 millions, c'est peu."