Les prochains jours ne seront probablement pas les plus propices pour parler de politique, faisons donc un billet “de saison”.
Ah, Noël, quelle fête merveilleuse ! Celle que tous les enfants attendent, et que les parents préparent avec le plus grand sérieux… Bon, la religion n’a plus grand-chose à voir avec ça, le petit Jésus a été prié de remiser ses histoires chiantes et ringardes pour laisser la place au seul vrai dieu qui vaille : celui de la sur-con-sommation, de la croissance, “seules capables de sauver notre économie de son marasme”
La préparation fiévreuse ne consiste plus à réviser ses psaumes pour la messe de minuit, mais à fouiller sur Internet à la recherche d’un Ipad 2 moins cher (sans même se poser la question de savoir à quoi peut bien servir ce machin quand on a déjà téléphone, ordinateur portable, console de jeu : l’essentiel, c’est d’en avoir un, c’est une question de statut social, indispensable pour ne pas avoir l’air con devant ses collègues de bureau)
On a tout de même gardé le décor. Il y a quand même des trucs qui marchent, dans la religion. Les lumières, les bougies dans l’obscurité, ça ramollit le cerveau pour le préparer à croire en dieu, et c’est tellement beau que ça vous sanctifierait même la pire des saloperies… Et ça tombe bien, car de la saloperie à sanctifier, il y en a des gigatonnes !
Partout en France, de Marseille à Dunkerque, ont fleuri les “marchés de Noël”. Ah, la tradition… Qui dans la plupart des cas remonte au mieux à 5 ou 10 ans ! Où l’on vend à prix d’or surtout des merdes en pacotille véritable fabriquées en Chine par des para-esclaves, dans une odeur écœurante de mauvais vin chaud, directement sorti de briques, et sous des flonflons de musique sirupeuse parfaitement insupportable… Mais attention : sous des chalets en bois, ça a tout de suite plus de gueule. Ces pustules ont même envahi ces endroits bucoliques que sont les parkings de supermarchés…
L’idée de ce billet m’est venue alors que j'ai mangé hier un foie gras indigne de la marque Delpeyrat dont Nathalie Simon (ancienne championne de planche à voile reconvertie dans l’émission de télé bas de gamme et dans la pub de merde) nous vanter “le sud-ouest”, qui “aime la fête” le bon foie gras et le jambon de Bayonne “Delpeyrat”. Cette propagande tourne en boucle sur toutes les télés.
Un peu de décryptage. Malgré son nom qui sonne “bon le terroir”, Delpeyrat n’est pas un artisan landais. C’est même carrément l’inverse : une usine, un temple de l’industrie agroalimentaire. 1.2 milliard de chiffre d’affaires.
Delpeyrat est une filiale du groupe Maïsadour, premier semencier européen dans le maïs, dont le plus gros actionnaire n’est autre que “Syngenta” (ex “Novartis”), le producteur d’OGM, concurrent de Monsanto.
Delpeyrat est le roi du jambon, et ambitionne de concurrencer la société Smifhfield , qui s’est érigée en référence de la pire saloperie de bouffe industrielle doublée d’une catastrophe environnementale que l’on puisse concevoir ici-bas.
Delpeyrat vend ses produits industriels dans les supermarchés. Ça tombe bien, c’est là que le taux de notoriété de Nathalie Simon doit être le plus élevé. Et une fois encore, la “magie de Noël” opère à plein : c’est un festival d’emballages brillants multicolores, illustré d’étoiles et de bougies : la magie, la fête, on vous dit.
Ils sont loin les papiers brillants de Delpeyrat (et de ses concurrents). Elle est loin, Nathalie Simon. Elles sont loin les images bucoliques que l’on pouvait voir dans “Le bonheur est dans le pré”… Cette communication autour de la “tradition”, du “savoir-faire artisanal et ancestral” est totalement frelatée. Comme dans tous les domaines, dès que l’industrie s’en mêle.
Dans la lointaine jeunesse, on ne mangeait pas de foie gras à Noël. Trop cher, sans doute. Par contre on dégustait lentement et religieusement des tranches de saumon fumé, mets délicat et hors de prix.
Depuis lors, ces mets d’exception sont devenus des produits banalisés et standardisés, simple résultat d’un processus industriel dont les bestioles ne sont qu’un composant. Élevés en quantités démentielles, nourris de merde chimique, médicamentés, pesticidés, estourbis dans des abattoirs géants, trempés dans de la saumure cancérigène, colorés, congelés et emballés, les saumons débarquent dans les hypermarchés pour un prix dérisoire, laissant sur place (en Norvège principalement) un désastre écologique . De surcroît, ils sont évidemment dégueulasses, mais là n’est pas le problème.
C’est pareil pour le foie gras. Et notamment celui de Delpeyrat, qui assume son rôle d’inondeur de supermarché en produit trés bas de gamme . Les produits les plus vendus sont d’ailleurs d’ignobles pâtés faits de flotte, d’épices pour en masquer l’insipidité, d’additifs plus ou moins chimiques, et de résidus de foies déclassés. Et ça se vend…
Les fabricants mettent pourtant en avant leur “IGP Canard du Sud Ouest”, mais elle n’est en aucun cas un gage de qualité. Des canards torturés, du foie gras de merde, certes, mais du Sud-Ouest, voilà tout ce que cette IGP garantit.
Contrevenant à l’IGP, qui précise tout de même que les pauvres coincoins doivent être des mâles, Delpeyrat fut même l’un des premiers à expérimenter, dans le but de baisser son coût de revient, la technique consistant à utiliser des canes au lieu de canards , comme cela se fait en Bulgarie. Sans succès, apparemment…
Ah oui, qu’advient-il des poussins de sexe féminin : éliminés ! Gazés ou broyés… Bon appétit !
Bon, le courage me manque pour vous parler de cette autre “incontournable” de la joyeuse table de fête : l’huître. Manipulée génétiquement et stérile (pour éviter qu’elle ne soit “laiteuse” et donc invendable en dehors des mois en “R”), tripatouillée dans des éclosoirs industriels, elle est victime depuis quelques années d’un vilain et mystérieux virus qui décime 80% de la production… Mais les survivantes ne sont pas malades. Enfin, peut-être… Bon appétit !
Vous l’avez compris, quand on applique à la nourriture (c’est aussi valable pour le tourisme…) les méthodes de l’industrie, elle transforme tout en merde. Bien emballée, bien présentée par une avenante potiche, la merde se fraiera sans problème un chemin jusqu’à la “table de fête”, mais restera de la merde.
Pourriez-vous, chers lecteurs, avant de vous délecter de cette merde dans une ambiance de fête, non pas invoquer le père, le fils et le saint-esprit, mais méditer sur les principes de base de la décroissance ? Produire moins, consommer moins, mais mieux ?