Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LES SONDEURS CA OSENT TOUT

Primaires PS : les sondeurs osent tout

 

POLITIQUE. Une élection comme les primaires socialistes n'a jamais eu lieu en France. Donner François Hollande favori est un erreur, car les échantillons ne sont pas représentatifs des Français qui iront effectivement votés en octobre prochain.
Sélectionné et édité par Melissa Bounoua

 

Texte co-écrit avec Jean-Louis Bon, mathématicien, directeur de recherches à l'université de Lille 1 et Vincent Tiberj, politiste, chercheur à Sciences Po.

 

Les primaires citoyennes, qui permettront au "peuple de gauche" de désigner son candidat à l’élection présidentielle, constituent un redoutable défi pour les instituts de sondage, faute de précédent. S’ils avaient globalement adopté une attitude raisonnable à l’occasion des primaires organisées par Europe Ecologie - Les Verts (EELV) entre Eva Joly et Nicolas Hulot, certains parmi ces instituts ont définitivement abandonné toute prudence aujourd’hui. Chaque jour offre en effet son lot de sondages et, bien sûr, de commentaires, au prix parfois d’approximations douteuses.

Discours de cloture de l'Université PS, la Rochelle, 28/08/2011/ (HALEY/SIPA)Discours de clôture de l'Université PS, la Rochelle, le 28 août 2011 - Crédit : HALEY/SIPA

 

Une sociologie des électeurs inconnue

 

Avec les primaires socialistes, les instituts de sondage s’avancent sur un terrain très mal balisé : ils veulent nous offrir une "photographie" du résultat d’une compétition électorale sans précédent dont tout le monde ignore le nombre et la sociologie des électeurs. Nul ne sait combien seront ces derniers (la participation peut varier de 1 à 20), ni quelles seront leurs caractéristiques (uniquement des sympathisants socialistes ? les opposants à Nicolas Sarkozy ? voteront-ils davantage en milieu urbain ?, etc.).

 

Pire encore, certains instituts de sondage osent fournir des résultats – abondamment et complaisamment commentés dans la presse - à partir de sous-échantillons constitués en isolant d’échantillons "représentatifs" de la population française les seuls sympathisants de gauche, voire socialistes et/ou certains d’aller voter.

 

Des sondages non représentatifs

 

IPSOS a voulu séduire et montrer son sérieux, le 26 août, avec un échantillon représentatif de la population française de 3677 personnes. Las, l’institut publie des résultats issus d’un sous-échantillon de 404 électeurs potentiels dont 10% ne formulent aucun choix entre les candidats en lice et, sur les 360 individus restant, 52% déclarent n’être pas certains de leur choix (preuve s’il en est que la "cristallisation" chère aux sondeurs est loin d’être opérée). Dans la même veine, la dernière livraison de l’institut IFOP se base sur 439 sympathisants socialistes.

 

La palme revient sans contestation possible à OpinionWay qui publie le 1er septembre les résultats d’une enquête reposant sur… 222 électeurs potentiels ! Il faut ici prendre quelques instants pour proposer un éclairage au lecteur citoyen. Avec un effectif aussi faible, la marge d’erreur est de l’ordre de plus ou moins 7 points.

 

Autrement dit, sans même remettre en question la représentativité réelle d’un échantillon constitué selon la méthode des quotas, la variation autour des scores observés est de l’ordre de 14 points. On peut supposer qu’OpinionWay, bien obligé de donner un chiffre, a choisi le milieu de cet immense intervalle de confiance. Cela signifie que le score de François Hollande a 95% de chances de se situer entre 37% et 51%, celui de Martine Aubry entre 23% et 37% et celui de Ségolène Royal entre 6% et 20%. Au sein de ces différentes fourchettes, il n'y a aucune raison de privilégier une valeur plutôt qu'une autre.

 

Martine Aubry et Francois Hollande à l'université d'été du PS à La Rochelle le 28 août 2011 - Crédit : Bob Edme/SIPA

 

Avec le même raisonnement, considérons le second tour testé par IPSOS entre Hollande et Aubry et dans lequel le premier l’emporterait avec 53% des voix. Avec une marge d’erreur de l’ordre de 5,3 points (pour des scores autour de 50% et un échantillon de 360 individus), le score de Hollande a en réalité 95% de chances de se trouver entre 47% et 58% tandis que celui d’Aubry se situerait lui entre 42% et 52%. Autrement dit, il est impossible de faire le moindre pronostic quant au vainqueur du scrutin, ni même sur l’ordre d’arrivée des deux premiers candidats à l’issue du premier tour.

 

François Hollande favori, une cause entendue

 

Et pourtant, pour la majorité des observateurs, la cause est entendue : François Hollande est le grand favori de ces primaires. Les instituts qui publient de tels résultats se retrancheront derrière les marges d’erreur qu’ils fournissent désormais en note de bas de page mais que seuls quelques lecteurs téméraires iront consulter, faisant la démarche de se rendre sur les sites internet où figurent l’intégralité des résultats. Pendant ce temps, la machine médiatique s’emballe. Journaux, radios et télévisions présenteront sans recul aucun les chiffres livrés clés en main par certains sondeurs.

 

L’exercice auquel tentent de se livrer ces derniers est tout simplement impossible. Prévoir le résultat des primaires socialistes, première expérience du genre, à partir d’effectifs aussi faibles, revient en quelque sorte à lancer un camion de trois tonnes sur un pont dont a évalué qu’il pouvait supporter entre 1 et 4 tonnes. Peut-être atteindra-t’il l’autre rive…mais peut-être pas. Aucun chauffeur ne prendrait ce risque. Pourquoi les instituts le prennent-ils ?

Auteur parrainé par Baptiste Legrand

Les commentaires sont fermés.