Le 11 novembre, une brève cérémonie rassemblait les habitants du village autour du monument aux morts, à 11 heures, heure de l'armistice de 1918. Le maire procédait, avec solennité, à l'appel des disparus, une dizaine de noms. Un adjoint, répondait d'une voix forte : "Mort pour la France". Après cet appel, lugubre dans le froid de novembre, il y avait une minute de silence. L'assemblée, très recueillie, était composée, je l'ai dit, des habitants du village, dont certains, étaient des rescapés de la guerre de 14-18. Les enfants de l'école entonnaient ensuite la Marseillaise, guidés par l'instituteur. C'était tout. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu ensuite le moindre discours.
Après cette mini-cérémonie, empreinte d'une certaine grandeur et d'émotion, les gens se retrouvaient, par affinités,à la mairie pour le vin d'honneur accompagné de brioches pour les enfants. C'était le meilleur moment du 11 novembre. Tous ou presque avaient vécu cette guerre désastreuse dans cette campagne ardennaise, soit directement, soit par les conséquences de la disparition de membres de leurs familles. Mon grand père était un rescapé, un chanceux et je suppose qu'à chaque 11 novembre, il devait penser que son propre nom aurait pu être gravé sur la pierre du monument. Il ne disait rien de ce qu'il avait vécu. Il parlait, avec faconde, des hommes. Il racontait des anecdotes plutôt drôles sur la vie dans les tranchées, dans les casernements, un peu vantard, pourrais-je dire. Mais jamais l'horreur de la guerre. Jamais la peur. Jamais l'ennui. Jamais le froid, l'humidité, le rata dégoûtant, tout ce que d'autres ont raconté dans leurs lettres ou leurs journaux.
Je ne sais pas, tant d'années après, ce qu'il pensait de cette guerre . Ils n'étaient pas si nombreux, les rescapés, réunis autour du monument aux morts. Emus , mais vivants. Je possède chez moi, comme dans de nombreuses familles, des objets fabriqués par mes grands oncles , soldats, pendant les périodes d'inaction : bougeoirs, vases . Une manière de passer le temps, et la matière première hélas ne manquait pas. Ces objets ne sont pas beaux, mais ils sont là, et je fais encore partie des gens pour qui ils ont une signification.
Commentaires
un membre de ma famille a disparu à Banogne en 1918.Savez vous si le cimetière de cette commune comporte des tombes de soldats morts au combat ?