Vincent Peillon introduit des cours de morale laïque à l'école. Heureux ? Bin oui : quand on est laïque, on ne peut qu'approuver. Bon, depuis que l'école laïque existe, on y parle de la laïcité et de ses valeurs (forcément). En tant que parent , en défendant la tolérance, la rationalité, la pluralité des idées, on inculque à nos enfants un état d'esprit laïque. Est-ce une forme de morale ? Oui, sans doute, qu'on peut aussi appeler, si on veut, éthique ou citoyenneté. D'ailleurs, l'éducation civique existe depuis déjà pas mal de temps. Mais qu'un temps spécifique soit dédié à la morale laïque, pourquoi pas, c'est une bonne chose, avec laquelle tout le monde ne pourra qu'être d'accord.
Maintenant, il ne faut pas trop se faire d'illusion : "faire" la morale, comme on dit, consiste à en parler, à donner une "leçon de morale". Or, en matière de bien (puisque la morale est la pratique du bien et le rejet du mal), rien ne vaut l'action. "Faire" à quelqu'un la morale, c'est ne rien faire, c'est seulement montrer ce qu'il faut faire. Ce n'est pas rien, évidemment, mais l'essentiel est néanmoins dans l'agir, qui dépasse très largement tout enseignement. Je crois en la vertu lorsqu'elle a force d'exemple, dans la vie des individus. Je me méfie d'elle quand elle devient l'objet d'un discours, qu'on écoute poliment mais dont on ne fait pas grand chose, avec toujours ce soupçon à entendre un moraliste : "faite ce que je dis, pas ce que je fais".
Et puis, depuis pas mal d'années, il y a une véritable demande sociale en matière de morale, sur l'air nostalgique de l'école d'autrefois, tellement mieux que celle d'aujourd'hui. Tout ça est bidon. Quand l'instituteur écrivait le matin sur le tableau noir, en belles lettres (je l'ai aussi vécu !) : "Qui vole un oeuf vole un boeuf", les gamins notaient consciencieusement et rigolaient intérieurement, et ça n'empêchait pas de voler des oeufs et des boeufs ! La morale n'efface pas la nature humaine. De ce point de vue, je crois plus en la force de la loi qu'en l'efficacité de la morale.
Mais notre société, qui se permet pourtant bien des turpitudes (l'internet en est le miroir), est avide de morale. La politique, elle n'enthousiasme plus. L'idéologie, personne n'adhère. La religion, elle a dans notre pays reflué comme jamais. Qu'est-ce qui reste quand on a tout perdu, quand on ne croit plus en rien ? La bonne vieille morale ... le mensonge fait horreur (affaire Cahuzac), l'argent attire la méfiance (loi de "moralisation" de la vie publique), la gestion des deniers publics se réclame de la "rigueur" et de l'économie.
A l'école, au gouvernement, dans la finance et partout ailleurs, c'est le triomphe de la morale