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INTERNET ET FACEBOOK TUENT LA CAMPAGNE

La grande nouveauté de cette campagne des élections municipales, ici  comme ailleurs, c'est l'irruption et l'usage d(Internet et du réseau social Facebook dans le débat politique. En 2008, les partis utilisaient déjà l'internet, mais sous forme de sites, de blogs . Aujourd'hui, ces modes d'expression sont largement détrônés par les pages Facebook des candidats, colistiers et partis. Je le regrette, je le déplore : c'est la politique qui en fait les frais, qui en est la victime, c'est le débat public qui s'égare dans des ornières dans lesquelles il n'aurait jamais dû s'engager. J'ai 8 griefs à faire à Facebook et à la détestable mentalité qui règne sur ce réseau dit social :

1- Le narcissisme. Comme son nom l'indique, Facebook est d'abord rédigé pour la pomme de ses administrateurs, qui déclinent sous de multiples photos, avantageuses ou folkloriques, leur propre personne. Si le narcissisme est un trait du caractère humain, il n'y a pas non plus nécessité à en faire exhibition sur le net ! Facebook, c'est le triomphe de l'individualisme assumé, revendiqué, fier de lui. La politique, ce n'est pas ça : c'est le collectif.

2- La confusion. Vie privée et activité politique se confondent. Facebook, c'est le people du pauvre : on y parle de soi, de ses enfants, de ses vacances, de sa santé, de ce qu'on fait, de son intimité, mêlés à des convictions, des opinions, des prises de position politiques. C'est le prolongement, la confirmation et l'accentuation d'une dérive de la vie politique contemporaine : le mélange des genres, l'interpénétration des activités privées, problèmes personnels et considérations politiques. Ce qui était depuis quelques années l'erreur des hommes politiques au niveau national se généralise aujourd'hui à tous les militants.

3- L'indigence. Aucun débat politique de fond ne naît, n'apparaît ou ne se développe sur les pages Facebook. Et pour cause : le format, l'usage, l'état d'esprit l'interdisent. Nous y lisons une somme de remarques lapidaires, superficielles, réactives, faites assez souvent de méchanceté, de stupidité et de grotesque. Aucune réflexion, aucune proposition, mais le style permanent de la polémique, de l'anecdote et de l'attaque personnelle. Facebook, c'est la politique dans le caniveau.

4- Le mimétisme. Ce qui est stupéfiant, c'est que les pages Facebook se copient les unes les autres, à travers un système de renvoi, de lien et de partage. Il y a un effet de miroir assez consternant, qui fait que les mêmes informations (qui n'en sont pas) se retrouvent un peu partout. Les commentaires sont souvent publiés plusieurs fois. Facebook, c'est le monde dépressif et régressif de la répétition, le degré zéro de la créativité : vous n'y trouverez aucun point de vue original, personnel ou intéressant (politiquement, j'entends).

5- L'entre soi. Faire de la politique, c'est aller vers les autres, les informer, discuter, essayer de les convaincre. Rien de tout ça sur Facebook, où l'on reste entre soi, avec les mêmes personnes qui fréquentent les mêmes pages et qui, comiquement, se congratulent entre elles. Facebook, c'est la meilleure façon de montrer qu'on est d'accord avec soi-même et avec ceux qui pensent comme vous ! D'ailleurs, pour renforcer cet entre soi, le langage utilisé (si on peut appeler ça un langage) est souvent implicite, allusif, codé. Il faut être initié pour comprendre les remarques, les références, les clins d'oeil, les blagues.

6- Le conformisme. La politique consiste à secouer les idées reçues, à contester, débattre, faire preuve d'esprit critique. Sur Facebook, on se gargarise de "like" (sic), c'est-à-dire de la mention "J'aime". Mais il n'y a aucune mention "Je n'aime pas" (qui devrait normalement figurer) : c'est bien la preuve que Facebook entretient l'esprit approbateur. On n'y applaudit pas avec les mains, mais avec le doigt, en cliquant sur une touche. Mais pas question de pouvoir s'opposer.

7- La paresse. Facebook, c'est l'esprit anti-militant, c'est même pire que ça : c'est le faux semblant, l'apparence du militantisme, en vérité une imposture. Chacun reste devant son écran, confortablement assis, bien au chaud chez soi, en ne faisant rien d'autre que transmettre des resucées d'information, dérisoires et parfois mensongères. L'image quasi héroïque du militant qui tracte, qui colle, qui s'engueule en prend en sacré coup : c'est hélas une figure en voie de disparition, remplacée par le pitre au pupitre, l'ado attardé dans un corps d'adulte. Nicolas Sarkozy, qui n'est pourtant pas mon philosophe préféré, a eu ce mot très juste : "Facebook, ah oui, Mickey parle à Minnie et lui demande comment ça va pendant des heures. Vous trouvez que c'est intéressant ?" (au Conseil des ministres du 22 juillet 2009, cité par Frédéric Mitterrand, dans La récréation, page 31). Facebook, c'est le royaume des Mickey et des kékés.

8- La chronophagie. Je me rends sur Facebook par curiosité, ennui et fatigue, comme les enfants visitent le dimanche le zoo avec leurs parents. Lorsque je constate le temps de présence de beaucoup de ces rédacteurs, c'est hallucinant, ils y passent une bonne partie de leur journée, y reviennent très régulièrement. Sur mon blog, je prends au maximum une heure pour rédiger un billet, et j'éteins l'ordi, je passe à autre chose, qui n'a plus rien à voir avec le net : les accro de Facebook donnent l'impression de coucher avec, d'y consacrer leur vie. Est-ce bien normal, docteur ?

Facebook est qualifié de "réseau social", mais c'est tout le contraire : un réseau asocial, hyper-individualiste, non militant, contre-politique. Son impact sera quasi nul sur le résultat des municipales. Ses membres sont des polygraphes de l'inutile et du néant. L'origine de Facebook en dit long et le condamne : des étudiants américains désoeuvrés, cherchant à draguer des filles, en comparant leur photo, leur état civil et bien sûr leurs mensurations (voir le film The social network, édifiant). On ne fait pas plus con !

La preuve définitive de l'inutilité et de la nuisance politiques de Facebook, c'est qu'au parti socialiste, un réseau social analogue a été mis en place il y a quelques années (la COOPOL, ça s'appelait), dont on disait monts et merveilles et dont je n'entends plus parler, tellement il a lamentablement foiré.

Si l'usage politique de Facebook est déplorable ... pour la politique, il n'en reste pas moins que ce réseau est un formidable moyen de communication en matière de vie privée, tout à fait comparable aux albums de famille ou à la correspondance personnelle d'autrefois. C'est uniquement la pratique publique de Facebook qui suscite mes vives critiques. A une seule exception : l'agenda d'élu, qui peut par ce moyen énumérer ses multiples activités. Pour le reste, Facebook, c'est une farce,Farcebook. J'y ai pourtant ma page, comme tout le monde, vide et désertée depuis longtemps . Je ne sais même pas comment la supprimer ...

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