Vendredi 28 novembre a été débattu en séance la résolution pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France, déposée par Elisabeth Guigou, Présidente de la Commission des affaires étrangères. Elle sera ensuite soumise à un vote solennel, mardi 2 décembre.
Aujourd’hui, l’Etat de Palestine est reconnu par 137 Etats et par des institutions internationales telles que l’Unesco (depuis le 31 octobre 2011). En 2012 la Palestine a enfin été reconnue membre observateur à l’ONU, après une forte mobilisation internationale. Un nouveau pas peut donc être franchi au service de la Paix.
L’égalité en Droit des deux États de Palestine et d’Israël conduira forcément à des négociations plus équilibrées et apportera de la sérénité aux civils, qui sont les premières victimes des violences et ne supportent plus de vivre dans un climat d’insécurité permanent. C’est une question de dignité mais aussi un encouragement aux militants de la paix et de la concorde, palestiniens et israéliens.
Au nom du Droit, de la paix et de la Justice, et en cohérence avec des années d’engagement au service de la dignité des Palestiniens et de l’égalité réelle entre les deux pays, je souhaite que mardi prochain la résolution portant sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine sera votée et , que la diplomatie française ait l’audace, le courage et l’intelligence de reconnaître officiellement à son tour l’Etat de Palestine.
INTERVENTION d' ELISABETH GUIGOU
Présidente de la Commission des Affaires étrangères
Monsieur le ministre,
Monsieur le président,
Mes chers collègues,
Je me souviens avec émotion qu’un jour de septembre 1993, Yasser Arafat, le leader palestinien, et Itzhak Rabin, le Premier ministre israélien, se sont serrés la main. Nous sommes, a dit Itzhak Rabin, « destinés à vivre sur le même sol et sur la même terre ». Hélas, 20 ans plus tard, ces images d’archive ne sont qu’un souvenir. Les deux protagonistes ont disparu et avec eux l’espoir immense de paix qu’ils avaient suscité.
L’assassinat du Premier ministre israélien en 1995, qui a porté le premier coup au processus de paix, les attentats sanglants qui ont touché les villes israéliennes, les échecs de Camp David et de Taba, la seconde intifada, la construction du mur de séparation, la poursuite de la colonisation qui compromet chaque jour un peu plus l’idée même d’un État palestinien souverain, les guerres à répétition à Gaza ; enfin, le nouveau cycle de violence qui s’est ouvert cet été et se poursuit sous nos yeux : le processus d’Oslo n’en finit pas d’agoniser et les principales victimes en sont les civils innocents. Cette tragédie se répercute dans toute la région, et jusqu’en Europe. La permanence de ce conflit nourrit, ici aussi, les pires confusions, les pires instrumentalisations, que pour ma part je ne peux tolérer dans notre pays, celui de la tolérance et de la fraternité. Il faut que cela cesse. Il faut que s’arrête le cycle terrifiant de la violence et de la vengeance.
J’entends dire que cette proposition de résolution serait inopportune car prématurée. Je crois au contraire que pour celles et ceux qui pleurent les victimes de ce conflit, elle vient trop tard. Rester immobiles, c’est laisser le champ libre aux extrémistes qui se nourrissent de la poursuite de la guerre. Face à l’échec du processus de paix, l’indifférence est coupable, et l’inaction meurtrière. Or la solution est connue : la reconnaissance mutuelle de deux États, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité, fait depuis 1993 l’objet d’un accord des deux parties et de l’ensemble de la communauté internationale. Comment se peut-il qu’un consensus aussi général n’aboutisse jamais à sa réalisation ? Que proposent ceux qui refusent notre contribution, à part un statu quo mortifère ?
Notre résolution est un message de paix et d’amitié adressé aux deux peuples israélien et palestinien. Nous voulons contribuer à la reprise des pourparlers car j’ai la conviction, comme Shimon Pérès, que la « gestion du conflit », prônée par certains, ne fait qu’exacerber la violence. L’Européenne que je suis sait que la paix ne s’obtient qu’en suivant le lent et difficile chemin de la négociation. Ce texte émane donc d’une volonté collective, que je sais partagée sur tous les bancs de cette Assemblée, de concourir – modestement – à l’effort international de paix au Proche-Orient.
Évidemment, seuls les peuples en conflit peuvent faire la paix. Je sais qu’ils y aspirent, car cette guerre les épuise et nourrit les extrêmes. Je sais à quel point cela est difficile, combien il y faut d’intelligence et de courage. Notre pays a le devoir de faire entendre sa voix : celle du refus obstiné, partout, des discours de haine. En raison de son histoire, de ses valeurs, de son amitié pour les peuples du Proche-Orient, mais aussi de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité, la France est comptable de la paix et de la stabilité de la région. Notre pays a été l’un des premiers et plus fervent défenseur de l’entrée d’Israël dans la communauté des nations. La France n’a jamais ménagé ses efforts pour que soit universellement admis le droit d’Israël à l’existence et à la sécurité. La reconnaissance mutuelle entre Israël et la Palestine – et la reconnaissance par l’ensemble de la communauté internationale du droit à la paix et la sécurité de ces deux Etats – est la meilleure garantie d’une paix durable. Notre démarche veut contribuer à un mouvement pour la paix et appuyer les efforts de la diplomatie française en ce sens. Je soutiens le projet de conférence internationale, avancé par le ministre Laurent Fabius et confirmé par le Président de la République hier. Cette conférence internationale, j’en suis convaincue, pourrait accompagner les négociations entre les deux parties, et j’espère convaincre les Etats arabes qui ne l’ont pas encore fait de reconnaitre Israël, une reconnaissance réciproque vitale dont la paix a besoin
C’est au nom de ces principes, défendus par tous les Présidents de la Ve République, que nous invitons aujourd’hui le Gouvernement français à prendre l’initiative d’une reprise du dialogue et à reconnaître le droit du peuple palestinien à un État viable et souverain.
Ce texte n’est pas une injonction : le gouvernement reste libre de son choix.
Ce texte est un signal d’alarme pour que demain il ne soit pas trop tard.
Ce texte est un appel pour que le peuple israélien et le peuple palestinien, comme le souhaitait le Président François Mitterrand en 1982 à la Knesset, retrouvent « chacun l’irréductible droit de vivre ».
Je vous remercie.