Si on en croit les sondages, le thermomètre de l'écologie politique est déréglé. Son degré de popularité redescend, en effet, après une année 2009 où il n'avait cessé de monter, sans qu'on sache encore s'il s'agit d'un simple redoux passager ou d'un coup de froid durable.
Partout, les listes Verts-Europe Écologie restent à un niveau élevé mais elles régressent par rapport aux scores qu'on leur prêtaient il y a seulement un mois. Hier au coude à coude avec les listes PS, elles sont maintenant nettement distancées par leurs rivales, comme en Ile-de-France où Cécile Duflot pointe à douze points de Jean-Paul Huchon. A l'exception de l'Alsace - et encore, l'écart se resserre - elles ne semblent plus en mesure d'être en pole position de l'opposition au soir du premier tour et c'est bien ainsi. Un temps caressé, le rêve de diriger deux ou trois régions au printemps prochain s'éloigne et c'est encore mieux.
Même, Daniel Cohn-Bendit ne se fait plus trop d'illusions sur le triomphe des siens, préférant se satisfaire de la confirmation des bons résultats (plus de 16 %) aux dernières européennes. Si, à travers sa présence renforcée dans les exécutifs régionaux, l'écologie s'installait durablement dans le paysage institutionnel français, ce serait déjà, à ses yeux, une grande victoire... Un objectif raisonnable tant la question de l'avenir de la planète n'est plus poussée par un vent aussi dynamique qu'il ne l'était jusqu'en décembre.
Les listes écologistes seraient-elles touchées par le syndrome de Copenhague ? L'échec du sommet sur le réchauffement climatique a changé la perception de l'urgence. Refroidi les ardeurs et même les certitudes. Jusque là marginalisés, les « climato-sceptiques » font entendre leur voix et sont désormais écoutés alors qu'ils ne l'étaient plus. Le GIEC qui fit longtemps référence est maintenant soupçonné d'avoir chargé la barque « catastrophiste » et ses approximations sont pointées du doigt comme autant d'hypothèses farfelues... Volontiers provocateur, flirtant constamment avec l'outrance, et toujours soucieux de se distinguer du reste des intellectuels, un Claude Allègre peut se permettre de dénoncer « l'imposture intellectuelle » que représenterait la thèse de la responsabilité de l'homme dans le réchauffement de la planète. Quelques - rares - météorologues, comme Laurent Cabrol, sont sur le même registre.
Cette montée en puissance du doute sert objectivement une certaine démobilisation générale. La priorité environnementale semble tout à coup moins évidente. L'emploi, c'est tellement plus important...Tragique facilité d'une comparaison peu pertinente, qui permet de différer les changements de comportements pourtant impératifs. « Ils ne veulent pas y croire », soupire parfois Yann Arthus-Bertrand. Et se ruent dans les stations-service à la première grève des raffineries. Le Dieu pétrole est encore bien vivant.