CHARLEVILLE-MEZIERES (Ardennes). Lycéen à Etion, Mohamed saisit la justice. En stage chez Maximo, on lui aurait conseillé de prendre un «pseudo» pour démarcher les clients par téléphone.
L'AFFAIRE se résume _ hélas _ très simplement. Elève de terminale au lycée d'Etion, à Charleville, Mohamed débutait un stage comme commercial au sein de la société Maximo (vente et livraison de produits alimentaires, notamment surgelés, à domicile), dont l'antenne ardennaise est basée à Tournes.
Sa mission : démarcher des particuliers déjà clients de l'enseigne, et leur proposer des promotions. Ce que l'on appelle du télémarketing.
Le jeune homme de 19 ans a donc préparé son petit laïus. « Bonjour, Mohamed à l'appareil, seriez-vous intéressé par… »
Mais selon lui, les choses ont vite tourné à l'aigre. Un cadre supérieur lui aurait très vite suggéré de changer de prénom quand il s'adressait à ses interlocuteurs. Car avec un prénom comme « Alexandre », « ça se passe mieux » (commercialement).
Cela a littéralement choqué le jeune Mohamed, qui s'est plaint auprès du directeur local de Maximo. Lequel, peu sensible aux arguments du jeune homme, aurait décidé de mettre un terme prématuré au stage.
Né en France, fier de son prénom, Mohamed a décidé de saisir la justice. Il a rendez-vous demain jeudi avec l'avocat Xavier Médeau.
Maximo connaissait le prénom
Celui-ci nous a confirmé que les premiers éléments en sa possession laissaient à penser qu'il y avait non seulement atteinte à la dignité (le prénom fait partie de l'intégrité d'une personne) mais aussi, en l'espèce, à une forme de discrimination. En 2009, la cour de cassation a en effet jugé que « demander à un salarié de changer de prénom » s'apparentait à une forme de discrimination. Dans ce dossier, il s'agissait déjà d'un homme prénommé Mohamed, mais l'affaire se déroulait à Marseille et on lui avait conseillé d'utiliser plutôt le prénom « Laurent ».
Depuis quelques jours, le lycéen d'Etion est en stage dans une autre entreprise.
« Ces stages font partie du cursus pédagogique » a simplement précisé hier la proviseur de l'établissement, qui forme notamment aux métiers du commerce. Une chose est établie : ce n'est pas la première fois qu'un élève effectuait un stage chez Maximo, et aucun problème particulier n'avait jusqu'alors été à déplorer. Par ailleurs, comme il est d'usage, une convention avait été établie entre le lycée et l'entreprise, laquelle connaissait donc le prénom du stagiaire…
« Entreprise familiale de dimension nationale, Maximo veille tout particulièrement à préserver sa dimension humaine. Une politique sociale où chaque salarié est associé à la réussite de l'entreprise : l'importance accordée à la communication, le développement et l'optimisation permanente des compétences sont les raisons de l'attachement de nos salariés à Maximo » lit-on sur le site Internet de la société.
Soit…
Toujours est-il qu'hier, il nous a été indiqué que « la direction du site ardennais ne souhaitait pas s'exprimer dans la mesure où la justice était saisie ».
Reste qu'au-delà de la procédure judiciaire qui devra établir les faits et éventuellement décider d'une sanction (la présomption d'innocence étant de mise ici comme dans tout autre dossier), au-delà même de cette affaire précisément, se pose en filigrane la question de la xénophobie (au moins au sens étymologique du terme) d'une partie de la population. Dans les Ardennes comme ailleurs, si l'on en vient éventuellement à suggérer à un « vendeur » d'emprunter un prénom qui « paraît » plus « français de souche » qu'un autre (nous insistons sur les guillemets), c'est peut-être que l'on a remarqué que c'était plus « vendeur ». Hélas.
D'aprés L'Union-L'Ardennais