Préparée par le gouvernement précédent, la rentrée reste marquée par des suppressions de postes massives. Mais l’annonce des réformes a détendu l’atmosphère entre l’Etat et le monde de l’éducation.
Le changement est en marche à l’Education nationale. Hier, à la surprise générale, le ministre Vincent Peillon a commencé sa conférence de presse de rentrée quasiment à l’heure, avec seulement cinq petites minutes de délai. Son prédécesseur, Luc Chatel, arrivait lui nonchalamment avec une bonne demi-heure de retard en articulant de vagues excuses…
Vincent Peillon, qui promet une grande «refondation» de l’école, était justement venu présenter «la première rentrée du changement». Plus détendu qu’avant l’été - l’effet des vacances, le résultat des arbitrages budgétaires pour 2013 ou un peu des deux… -, il s’est félicité de tout ce qui avait déjà changé, quitte à charger un peu la barque. La rentrée 2012 a en effet été préparée par le gouvernement sortant, et la nouvelle équipe, arrivée en mai, ne pouvait guère la modifier qu’à la marge. Elle reste donc marquée par 13 000 suppressions de postes dans le primaire et le secondaire - portant à près de 80 000 les coupes depuis 2007.
En fait, pour l’instant, le changement le plus spectaculaire concerne l’atmosphère. Les promesses de François Hollande de faire de la jeunesse une grande priorité, avec l’engagement de créer 60 000 postes dans l’Education durant son quinquennat, ont suscité des espoirs dans le monde éducatif. Chacun sait que cette rentrée sera encore difficile, avec des classes à 30 élèves en maternelle, une pénurie de remplaçants ou des effectifs surchargés en lycées professionnels. Mais l’attente est palpable, souvent teintée de réalisme. Et les premiers gestes du nouveau pouvoir ont rassuré sur le fait que les promesses seront bien tenues.
«La jeunesse est une priorité de François Hollande qui a été affirmée et réaffirmée, a martelé hier Vincent Peillon. Pour preuve de cette mobilisation, demain, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, se rendra dans une école. Lundi, ce sera le Président, puis encore le Premier ministre… Pas moins de 22 ministères sont impliqués dans les débats sur la refondation de l’école.»
Aux antipodes d’un Luc Chatel qui assurait goguenard pouvoir supprimer des postes «sans problème», le ton et la méthode ont radicalement changé. Les syndicats, au plus mal avec l’équipe Chatel, saluent le retour à un dialogue social. Aux côtés des associations de parents, des élus locaux, des représentants du monde économique et associatif, ils participent aux débats sur la refondation de l’école qui, ouverts en juillet, se poursuivent sur un ton plutôt aimable. La plupart croient aujourd’hui à une vraie chance de changer l’école, chacun y mettant ses propres attentes, souvent antagoniques.
«Je suis un peu étonné quand je lis qu’on a l’impression que peu de choses ont changé, a déclaré hier le ministre, un ancien prof de philo avec une nette propension à donner des leçons. En réalité, beaucoup de choses se sont produites. En quelques mois, nous n’avons pas chômé.» Retour sur tous ces changements - ceux déjà mis en place, promis pour bientôt et remis à plus tard.
Les mesures déjà prises : souvent limitées mais très symboliques
Le gouvernement Ayrault a voulu marquer la rupture dans l’Education dès cette rentrée. Dans le cadre du collectif budgétaire de juillet, le secteur a été l’un des mieux servis. Conformément à la promesse de François Hollande, l’allocation de rentrée scolaire, qui bénéficie à 3 millions de familles pauvres, a été augmentée de 25 %. Une mesure présentée comme un coup de pouce au pouvoir d’achat des plus modestes, mais aussi comme un signe de l’importance accordée à l’école et aux inégalités qu’elle génère.
Pour soulager les situations les plus problématiques, Vincent Peillon a par ailleurs obtenu la création de 1 000 postes dans le primaire dès septembre - ce qui a ramené le nombre de suppressions de 14 000 prévues par Chatel à 13 000. La preuve que le primaire, où se nouent les difficultés scolaires et où se creusent les inégalités, sera désormais la priorité de la politique éducative, alors que traditionnellement le secondaire, et surtout le lycée passent avant.
Un autre geste, limité mais tout de même coûteux pour l’Etat, a été fait pour remédier à l’un des grands ratages du précédent quinquennat : la réforme de la formation des enseignants qui a quasiment sacrifié la dimension professionnelle. Cette année, les professeurs débutants, qui viennent de réussir leur concours, auront ainsi trois heures de décharge par semaine afin de compléter leur formation.
La mesure - peu coûteuse - la plus symbolique à destination des enseignants a été l’abrogation du décret réformant l’évaluation des profs, qui aurait donné la haute main aux chefs d’établissement dans leur notation. Luc Chatel l’avait signé à la veille de la présidentielle. Sa suppression était attendue par la profession, dénonçant la «caporalisation» sous Sarkozy.
Enfin, pour donner un signal de la volonté de changer les rythmes scolaires, le calendrier a été modifié : les congés de la Toussaint ont été rallongés de deux jours, pour durer deux semaines comme les autres petites vacances. En contrepartie, la sortie des classes est repoussée d’un jour, au 6 juillet, et une journée sera rattrapée dans l’année.
Les nouveautés imminentes : plutôt bien accueillies
En visite en Seine-Saint- Denis pour rencontrer une association prenant en charge les élèves exclus, François Hollande avait annoncé en avril un nouveau métier pour prévenir la violence scolaire. A la Toussaint, 500 assistants de prévention et de sécurité vont être affectés dans les établissements les plus exposés. Après avoir prôné les portiques de sécurité, Nicolas Sarkozy avait mis en place des équipes mobiles de sécurité, appelées en urgence lors de crises. Ces assistants, intégrés aux équipes, feront, eux, de la prévention de la violence et au delà, du décrochage scolaire. Les établissements difficiles, qui réclament davantage de présence humaine, y sont favorables. Par ailleurs, dès janvier, 6 000 étudiants boursiers en deuxième année de licence, tentés par l’enseignement mais reculant devant les cinq ans d’études à financer, signeront des contrats d’avenir. Ils s’engageront à passer les concours de l’enseignement, auront des missions de douze heures hebdomadaires dans les écoles et toucheront au total 900 euros par mois, bourse comprise. «Il n’y a pas de crise des vocations, a assuré hier Vincent Peillon. Enormément de jeunes ont envie de s’engager dans ce métier mais les conditions qui leur ont été faites pour y entrer les ont découragés.» Avec 22 000 postes mis au concours l’an prochain, soit le double de cette année, on saura bientôt si le ministre a raison d’être optimiste.
Les chantiers en attente : nettement plus risqués
C’est après la concertation sur la refondation - qui va déboucher sur une loi d’orientation et de programmation débattue à l’automne et votée début 2013 - que les choses vont se compliquer. Il faudra alors discuter de textes concrets pour mettre en musique les grandes lignes de la loi. Des tensions vont alors apparaître sur les principaux chantiers, comme les rythmes scolaires. «L’idée de la semaine des quatre jours et demi fait son chemin», s’est félicité hier Vincent Peillon, déterminé à y revenir dès la rentrée 2013. Mais il faudra alors raccourcir des journées trop chargées, étaler la semaine en faisant revenir élèves et enseignants le mercredi, rallonger l’année en grignotant les vacances d’été… Autant de sujets polémiques.
La réforme de la formation s’annonce également compliquée : le professeur doit-il être un as de sa discipline ou d’abord un bon pédagogue ? Enfin, si l’on veut relancer «l’école du socle» en rapprochant la primaire du collège et en atténuant la coupure, cela risque de remettre au goût du jour la guéguerre avec les partisans d’un collège plus près du lycée… Après le bon temps de la refondation, les ennuis pourraient commencer.