Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LA CONFIANCE A VALS

 

824586884.jpg

 

Cet aprés-midi Manuel Valls fera  son discours de politique générale. Ce sera un grand moment, pour le Premier ministre, son gouvernement, la majorité de gauche et le parti socialiste. Un moment protocolaire, solennel et politique, à ne pas rater. Un ton, un style, une ligne vont être donnés. Aucun socialiste ne doit manquer ce rendez-vous, surtout pas les parlementaires, à qui la confiance va être demandée. C'est pourquoi il est regrettable qu'une petite centaine d'entre eux aient jugés bon de pétitionner, en mettant sous conditions leur vote de confiance.

C'est regrettable, d'abord parce que ça ne se fait pas. Sous la Ve République, le parti majoritaire soutient le président de la République et son Premier ministre. Les désaccords, inévitables et même salutaires, se gèrent et se négocient autrement que la veille et l'avant-veille d'un vote de confiance, par une mise sous pression. D'autres, moins gentils que moi, diraient : par un chantage. Jamais on n'a vu ça par le passé : des députés indexant leur confiance sur certaines "conditions" ("Les conditions de la confiance, pour un contrat de majorité", c'est le titre de la pétition). Non, un vote de confiance ne fait pas l'objet d'un marchandage. Par définition, une confiance ne se discute pas sinon, c'est une défiance  : on fait confiance ou pas, il n'y a pas d'entre-deux, pas d'hésitation, pas d'incertitude possible.

C'est d'autant plus regrettable que la situation politique ne se prête vraiment pas à ce genre de prise de distance : le PS a lourdement échoué aux élections municipales, EELV vient de lâcher le gouvernement, ce n'est donc pas le moment d'en rajouter en affichant publiquement des dissensions. Après le départ des écologistes, avec les attaques du Front de gauche, la majorité socialiste est fragilisée. Tout ce qui la fragilise encore plus est déplorable.

J'ai lu de près le texte des parlementaires mécontents. Ils demandent de "réaffirmer et d'amplifier les choix et les engagements de 2012" : ça ne mange pas de pain, c'est ce que ne cesse pas de faire le gouvernement depuis ... 2012, aller dans le sens de ce qu'il a promis. Je ne vois pas l'utilité de le rappeler (ou alors c'est qu'on a autre chose en tête). Le texte veut "obtenir une réorientation européenne pour mettre fin aux politiques d'austérité". Ah l'Europe : quand ça va mal, le coupable tout trouvé, c'est l'Europe. Non, les directives européennes ne nous sont pas imposées : ce n'est pas l'Europe qui décide de la politique de la France, c'est ... la France. Le problème de l'Europe, ce n'est pas l'Europe, c'est la droite : c'est le fait qu'une majorité des pays d'Europe et la majorité politique au Parlement européen sont conservateurs. Les élections européennes sont justement là pour faire changer ça.

La pétition énumère une série de mesures, sorte de fourre-tout sur lequel on ne peut qu'être, en théorie, d'accord : relever les bas salaires, les retraites modestes, assurer la transition écologique, transformer l'Etat, les collectivités et la démocratie, etc. Mais un catalogue ne fait pas un projet, qui ne peut retenir que quelques grandes lignes. Et puis, c'est bien joli de proposer des mesures sociales dont personne ne conteste la générosité : mais après, comment on fait pour les financer ?

Derrière tout ça, au milieu des phrases et des mots, il n'y a finalement qu'un seul passage qui soit politiquement déterminant : la demande de "substituer un pacte national d'investissements, négocié jusqu'au niveau des entreprises, aux mesures les plus coûteuses et sans conditions actuellement envisagées dans le pacte de responsabilité". Ca fait un peu charabia, l'idée n'est pas complètement claire, les mots sont choisis et retenus. Qu'est-ce que veut dire cette phrase, la plus importante du texte ?


Mes camarades députés ont décidément la manie des "conditions" : le vote de confiance sous "conditions", l'aide aux entreprises sous "conditions". Dans une économie de marché, en matière de création d'emplois, je ne vois pas qu'on puisse "conditionner" le soutien de l'Etat. En revanche, il faut se donner des objectifs, mesurer les résultats, faire des bilans le moment venu : évaluation a posteriori, oui, conditions préalables, non. Vous pouvez inciter, encourager, soutenir les entreprises à créer de l'emploi : c'est le choix du président Hollande, à travers le pacte de responsabilité. Mais vous ne pouvez pas les obliger, les contraindre.

Mais alors, me direz-vous, les entreprises vont prendre le fric pour elles et se moquer des emplois ? Non, ce n'est pas comme ça que ça se passe : l'entreprise, l'emploi, les affaires qui marchent, tout ça est lié. Une entreprise qui ne fait rien de son argent, ça n'existe pas : elle  doit investire  elle doit  créer , elle doit se développer . Même Marx explique ça.


La gauche a choisi, depuis 2012, ce que la droite n'avait pas osé : engager massivement des économies dans les dépenses publiques, soutenir massivement l'activité des entreprises. Je pense, j'espère, je ne doute pas que Manuel Valls reprendra  ces deux objectifs, les mettra en perspective, leur donnera un contenu politique. Le sens pour un socialiste, c'est de sortir les catégories populaires, d'abord elles, du chômage de masse qui sévit depuis plus de 30 ans dans notre pays. C'est aussi d'assurer la pérennité de notre système social. Pour cela,  les parlementaires doivent faire confiance au gouvernement : la confiance est comme ça, elle ne se mégote pas.

Les commentaires sont fermés.