Le comportement de Thomas Thévenoud est unanimement jugé inadmissible, à gauche et à droite. Personne ne prend sa défense. Et pourtant, cet homme persiste à vouloir rester député. Pour ne pas risquer de sanction de la part de son parti, il le quitte et le tour est joué ! C'est consternant. Que dit-il pour se justifier ? Qu'on ne peut pas lui reprocher de la "fraude", mais seulement de la "négligence". Comme si la négligence était excusable de la part d'un parlementaire de la République, à ce titre responsable de l'impôt et de la loi.
Sa réaction pitoyable prouve un abaissement de la conscience civique de certains élus, qui prennent à la légère leur comportement, en diminuent la gravité. L'explication de Thévenoud vaut condamnation, et il ne s'en rend même pas compte. Il y a de l'indécence, de la morgue, du je-m'en-foutisme dans cette attitude. Il n'empêche que cet homme a été estimé suffisamment digne pour devenir secrétaire d'Etat, alors qu'il ne l'était pas. Ce qui pose aussi le problème du recrutement de la classe politique.
Thomas Thévenoud prétend que seuls les électeurs peuvent décider de son sort de législateur, qu'il n'a donc pas à démissionner de son poste de député, que son mandat doit être mené à son terme. Non, quand on contrevient si radicalement à la règle de la République, on ne peut pas se maintenir. Je suis pour le respect des mandats, à condition que leurs titulaires respectent la République, dans son esprit et sa lettre.
Je crains que le comportement de ce député ne soit le signe d'un relâchement qui affecte bien d'autres élus, quelle que soit leur sensibilité politique. Autrefois, ces manquements seraient sans doute passés inaperçus, parce que la vie privée avait beaucoup moins d'importance que les enjeux idéologiques. Aujourd'hui, l'idéologie a perdu de son importance, mais la moralité et l'exemplarité des élus sont observées à la loupe. Les moeurs publiques ont changé. On demande à un élu, quel que soit l'importance de son mandat, de la transparence et de la rectitude. Avant, on était moins regardant.
Si la classe politique veut retrouver un certain lustre et l'estime des Français, il faut qu'elle se mette au diapason de l'époque, qu'elle sacrifie aux nouvelles exigences. Un élu qui ne retient plus que la dimension honorifique de sa tâche et l'indemnité qui va avec, ce n'est plus tenable ni acceptable. Un élu qui ne siège pas ou peu, qui ne rend aucun compte de son travail, qui ne se rend pas disponible, qui ne fait rien ou pas grand chose, nos concitoyens ne supportent plus et ont raison.
Le poisson pourrit par la tête ; la République aussi. Et la tête de la République, du plus petit niveau au plus élevé, du conseiller municipal au député, ce sont les élus. Si nous étions dans une période faste, leurs faiblesses humaines n'auraient pas grande importance. Mais la République est aux abois, avec l'extrême droite à ses basques (voir le billet d'hier . La reconquête se fera par des élus démontrant leur dévouement, leur honnêteté, leur désintéressement : pour beaucoup d'entre eux, c'est déjà le cas. Mais les brebis galeuses doivent être chassées.
Historiquement, la République a été renversée soit par la guerre, soit par la corruption. Ce dernier mot est sans doute trop fort, appliqué à la situation actuelle. Mais le rapport à l'argent et aux avantages matériels des élus et responsables politiques ne souffre plus aucun laxisme, sauf à profiter à l'extrême droite, qui pourtant n'a aucune leçon à donner en matière de pureté morale. Quand la tête du poisson est pourrie, il faut lui couper la tête.