«Je suis arrivé avec ma femme à 16 h 10 pour chercher nos enfants, il y avait déjà deux voitures de police et six policiers », raconte Gérard. La scène qu'il décrit se déroule mardi après-midi, devant l'école élémentaire Louis-Aragon de Floirac. Cet établissement de la commune située sur la rive droite, dans l'agglomération bordelaise, compte huit classes pour un effectif de 193 élèves provenant pour beaucoup des lotissements voisins. Autant dire que les sorties d'école sont plutôt denses.
C'est pourtant le moment que les fonctionnaires de la police nationale ont choisi pour arrêter deux élèves de 6 et 10 ans qui s'apprêtaient à quitter les lieux, chacun sur un vélo. « On n'a pas vraiment vu ce que la police faisait mais s'ils se mettent à traiter des enfants comme des grands délinquants, où va-t-on ! », s'emportait hier après-midi la mère d'une élève prenant à témoin un petit groupe de parents.
« C'est honteux », disait encore plus fort Aïsha Ouachin, la maman d'Hicham, le garçon de 10 ans. « Je veux que les conditions d'interpellation de mon fils se sachent parce qu'on ne peut pas laisser faire des choses comme ça, il y avait d'autres façons de procéder pour vérifier si le vélo était le sien ou pas. »
Minutes d'angoisse
Mme Ouachin raconte avoir vécu quelques minutes d'angoisse. « C'est organisé comme ça, quand Hicham sort de l'école, il récupère Simon, son petit frère de 4 ans qui est à l'école maternelle juste à côté avant de rentrer ensemble. Mardi, je ne voyais personne lorsque la directrice de l'école maternelle m'a demandé de venir récupérer le petit. » L'enseignante lui apprend qu'Hicham a été interpellé. Aïsha Ouachin reconnaît avoir hurlé après le personnel de l'école élémentaire quand elle a voulu obtenir des informations. « Ils auraient dû m'informer de son arrestation », soutient cette mère de famille. Olivier Billand, le directeur d'école, que nous avons sollicité, indique : « Je me trouvais avec des élèves au moment des faits qui ont été signalés par une élève qui est revenue spécialement pour en informer des collègues. »
Deux heures d'interrogatoire
« Il peut se passer n'importe quoi à 10 centimètres de l'école et dix secondes après la sortie, tant que c'est à l'extérieur, ils s'en contrefichent », commentent des parents. Le directeur tempère en rappelant qu'en raison de travaux, « on ne voit rien sur l'extérieur de la salle des maîtres ».
La mère d'Hicham s'est sentie rassurée une fois arrivée au commissariat de Cenon. « L'interrogatoire a duré près de deux heures, il a porté sur l'origine du vélo, mon fils et moi-même avons soutenu qu'il lui appartient. » Hier matin, elle a fourni une attestation sur l'honneur du donneur, un adjudant-chef de la base aérienne 106, à Mérignac, qui le lui avait offert il y a plus d'un an et demi. « C'est maintenant un vélo pourri, personne n'en voudrait », dit-elle dans un faible sourire.
Une mère d'élève a pensé qu'il pourrait correspondre à celui qui lui a été volé en voyant Hicham arriver à l'école mardi matin. « Cette dame qui voulait me faire confisquer le vélo, ce que j'ai refusé, a finalement déposé plainte », explique le directeur d'école. Quelques instants plus tard, il était appelé par un policier, à qui il donnait le numéro de téléphone des parents d'Hicham. L'enquêteur lui disant « vouloir essayer de régler ça tranquillement ».
Perturbés
« Perturbé », Hicham a demandé à sa maman de ne pas aller à l'école, hier, contrairement à son compagnon d'infortune. À 16 h 30, ce petit garçon de 6 ans, accompagné de sa grande soeur, ne parvenait pas à desserrer les mâchoires lorsqu'un étranger lui demandait de ses nouvelles.
« Si jeune, ça a de quoi traumatiser », pestaient Gérard et d'autres parents. « On a entendu des enfants dire que leurs camarades avaient été emmenés en prison, ça va très vite dans leur imaginaire », observe Olivier Billand. Le directeur envisage que les faits soient abordés dès le retour en classe de lundi.