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CHARLEVILLE-MEZIERES (Ardennes). Vendredi dernier, clients et salariés du magasin Carrefour de La Croisette, à Charleville, ont été choqués par le comportement ordurier d'un directeur venu « mobiliser les troupes » à grand renfort d'insultes.
ON savait que le monde de la grande distribution n'était pas tendre. Dans ce secteur d'activité plus que dans d'autres, les relations (qu'elles soient entre concurrents, entre fournisseurs et distributeurs, ou entre employeur et employés) tournent souvent au bras de fer. Des confrontations sans pitié à l'issue desquelles le perdant n'a plus qu'une alternative : accepter de passer sous les fourches caudines du vainqueur, si basses soient-elles, ou débarrasser le plancher séance tenante. Ici, on ne fait pas de sentiment, Monsieur, mais du commerce…
Ce que l'on ne savait pas, en revanche, c'est que sous prétexte de mobiliser leurs salariés, certains dirigeants n'hésitaient pas à employer des méthodes que l'on croyait définitivement abolies, rangées au placard des mauvais souvenirs ou réservées aux (nombreuses…) bonnes pages de Zola.
Clients et salariés choqués
La scène ahurissante qui s'est déroulée pendant près d'une heure et demie, vendredi dernier en fin de matinée, au Carrefour de La Croisette, à Charleville-Mézières, est malheureusement de cet ordre. Ce sont des clients qui nous ont appelés, choqués par ce qu'ils venaient de voir et d'entendre. Compte tenu de l'ambiance délétère et effrayés par d'éventuelles représailles, les salariés ont préféré pour leur part rester muets. Quitte, pour certains d'entre eux, à rentrer à la maison les yeux rougis, ravalant à grand-peine des larmes de honte.
Les témoignages que nous avons recueillis sont clairs et concordent : Erik San Lazaro, directeur opérationnel de Carrefour, était venu ce matin-là de Paris pour « inspecter » le magasin carolomacérien. Et sa visite a été d'une violence inouïe, tant physique que verbale. « C'était un homme d'une cinquantaine d'années, habillé en costume », nous ont décrit plusieurs témoins de la scène. « Il arpentait les rayons où se trouvaient des clients du magasin et insultait ce qui semblait être des employés. Je me souviens d'expressions franchement ordurières. Il criait, parlait de boulot de merde, de travail de merde, de rayons de merde. C'est un mot qui revenait régulièrement dans sa bouche. J'étais outré mais visiblement, personne n'osait lui répondre. »
Crucifiés devant leur clientèle
Non content d'humilier oralement et en public les salariés du magasin carolo, Erik San Lazaro s'est également permis à plusieurs reprises de jeter violemment dans les travées la marchandise qui, selon ses critères, n'était pas assez bien mise en valeur dans les rayons. On n'ose imaginer ce qu'ont pu éprouver les employés, crucifiés devant leur clientèle sans pouvoir piper mot, insultés pendant plus d'une heure par un individu vociférant et dont le comportement de voyou, n'eut été son grade de directeur opérationnel, lui aurait sans aucun doute valu d'être maîtrisé et expulsé manu militari par les vigiles du magasin. Coïncidence douloureuse, ces actes inqualifiables ont été commis alors même que dans une salle attenante, une autre partie des salariés était réunie pour procéder à la remise des cadeaux de la fête des mères ou des pères aux salariés concernés.
Il va sans dire que nous avons à de multiples reprises tenté de joindre Erik San Lazaro pour qu'il nous explique les raisons qui avaient pu le conduire à adopter une telle « méthode » de management du personnel. Nous avions plusieurs questions à lui poser : est-ce une habitude pour lui de porter atteinte à la dignité de ses subordonnés ? Sa crudité de ton et de gestes était-elle préméditée ? S'agissait-il d'une méthode, odieuse mais efficace, destinée à pousser certains des employés vers la démission ?
Mais sans doute moins à l'aise face à un observateur neutre que devant un auditoire déguisé en punching-ball et condamné à encaisser les coups les plus vils sans broncher, Monsieur le directeur opérationnel est resté inaccessible. Grand bien lui fasse…
Jean-Claude ROUSSEL L'Union l'Ardennais