Après l'accord intervenu hier pour une indemnisation de 12.000 euros, qui s'ajoutent aux indemnités légales de licenciement des 366 salariés de l'équipementier automobile New Fabris, il n'y a guère que le ministre de l'Industrie Christian Estrosi pour se féliciter d'une «victoire du dialogue social».
Avec à peine un an de salaire supplémentaire, les Fabris sont très loin de leur revendication initiale de 30.000 euros, assortie de la menace de faire sauter leur usine avec des bonbonnes à gaz s'ils n'obtenaient satisfaction à la date butoir du 31 juillet. Certes, les Fabris ont réussi à gratter des milliers d'euros supplémentaires, par rapport aux 3.000 qui leur étaient proposés avant qu'ils brandissent leur menace de passer à l'action radicale. Mais à quel prix, et pour quel résultat ? D'abord, une action syndicale à forte résonance médiatique qui, de l'aveu même de leur délégué CGT, les a complètement «dépassés». Ensuite, un épilogue qui ne leur permettra de tenir que quelques mois de plus, avant de connaître les affres d'un chômage dévastateur.
Le «motodidacte» - c'est le surnom niçois de ce champion de moto de 750 cm3,autodidacte revendiqué et occasionnellement maire de Nice - Christian Estrosi sait pertinemment que l'épilogue de la grève des Fabris est tout sauf exemplaire d'un véritable dialogue social. Piétinant allégrement les plates-bandes de ses collègues du Travail et de l'Emploi, le ministre de l'Industrie avait certes fait un préalable de tout renoncement à la violence avant l'ouverture de négociations. Mais c'est bien sous la pression de la médiatisation de la bataille des Fabris qu'il a été conduit à ouvrir plus largement les cordons de la bourse, via le rachat de pièces détachées par Renault et Peugeot. Face à ce cas d'école de la radicalisation des mouvements sociaux, les centrales syndicales oscillent entre le mutisme et la langue de bois.
A l'image de Maryse Dumas, la secrétaire confédérale de la CGT, pour qui les actions radicales, comme les destructions de matériels et les séquestrations, mènent à des «impasses». Mais qui dans le même temps assure que, lorsque les salariés décident de telles actions, la CGT est «avec eux». Dans ce contexte d'impuissance syndicale au niveau national et avec un gouvernement ultra-sensible à la médiatisation, le terrain est balisé pour que les Contis, les Fabris et autres adeptes du passage en force fassent des émules. Symptôme d'un désespoir légitime, la responsabilité de ces dérives radicales ne leur est pas intégralement imputable. Elle est surtout le signe d'un dialogue social de plus en plus dégradé.
Quant à Guy Eyermann (CGT locale), il a dit : « Je demande à la minorité de respecter le vote des 204 salariés »
Et il a dit aussi : « J’ai l’impression d’avoir été abandonné par ma direction syndicale ».
Il n’empêche que c’est lui, Guy Eyermann (CGT locale), qui a fait enlever les bouteilles de gaz et qui a interdit qu’on les remette. Guy Eyermann a par conséquent bel et bien transmis et fait exécuter les ordres de sa direction. Alors, il peut toujours dire que sa direction l’a abandonné : Il nous prend pour des gogos !
Les ouvriers se sont une fois de plus fait avoir par les patrons avec l’aide des syndicats.
Ceux qui ont laissé les bouteilles de gaz jusqu’au bout ont obtenu bien plus que ceux qui les ont enlevées !
Seule une coordination, des votes à mains levées et des actions radicales peuvent servir les salariés.
“Il est évident que l’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes ; la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle ; mais la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu’elle pénètre les masses. La théorie est capable de pénétrer les masses dès qu’elle procède par des démonstrations ad hominem, et elle fait des démonstrations ad hominem dès qu’elle devient radicale. Être radical, c’est prendre les choses par la racine. Or, pour l’homme, la racine, c’est l’homme lui-même.”
Karl Marx