L’Aube se lève au Grand Orient ?
par Mithridate, le 24 mars 2007
Que l’amateur de complots secrets et de trahison de l’ombre, savant autoproclamé des secrets supposés de la République et des coups tordus de derrières les lourds rideaux du théâtre de la société, retourne directement au vestiaire. En effet, la seule intervention réellement mystérieuse et hermétique lors de cette conférence fut celle d’un homme gavé de littérature bon marché et de divagations internautiques qui mena avec beaucoup d’humour –du moins espérons que ce fut de l’humour- une véritable divagation en temps réel. L’assistance nombreuse su écouter avec attention et patience cet exposé incroyable de science fiction, suite à quoi, elle s’en alla vers d’autres cieux, peut être plus sérieux.
Car c’est sans doute de sérieux dont fit preuve Jean-Michel Quillardet dans sa longue intervention de plus d’une heure. Le thème était « Les rapports entre la franc-maçonnerie et la citoyenneté » mais il s’agissait en réalité de définir ce qu’était et ce qu’est aujourd’hui la franc-maçonnerie et plus spécifiquement le Grand Orient De France. Voici ce qui peut s’apparenter à la substantifique moelle de l’intervention :
« Les voitures qui brûlent sont souvent des appels »
C’est en commençant par là que le Grand Maître s’attelle à la tache difficile d’explication de ce qu’est la franc-maçonnerie. Et il commence d’abord par présenter les spécificités du Grand Orient De France (GODF) vis-à-vis des autres obédiences maçonniques.
Cette obédience, dont les origines remontent à la veille de la Révolution Française, est en effet pleinement attentive des évolutions et des signes extérieurs que la société peut manifester. Ces voitures qui ont brûlé pendant les émeutes de banlieue sont autant de petites lumières pour indiquer, faire signe, que la situation dans les quartiers était intenable. Discriminations, enclavement, racisme, chômage, pauvreté, perte du service public, … voilà les causes véritables de la violence déchaînée dans ces banlieues.
C’est donc au moins à l’écoute de la société et le plus souvent en avance sur les institutions que les francs-maçons ont choisi la Révolution, favorisé la liberté de culte, soutenu la République, initié la Séparation du spirituel et du temporel, incité à la loi sur l’avortement,… Si le GODF n’est pas l’unique contributeur du passé glorieux de notre République, il en est un acteur évident, toujours aux cotés des forces du « Progrès, de la construction et de l’acquisition », fermement opposé à ce qu’il y a de « Tradition, de surnaturel et d’inné ».
« Nous sommes là pour rappeler les valeurs et les principes »
C’est là la rôle premier du GODF. « L’institution, l’obédience, est plus dans l’extériorisation, dans l’action sociétale » au moyens de publications, de rencontres avec le public profane, de conférences ouvertes au plus grand nombre.
Les valeurs et les principes, nous les connaissons, ils sont sur tous les frontons de nos mairies mais encore faut-il les rappeler, les expliquer, les déplier pour les illustrer et faire que chacun puisse s’en saisir, les appréhender et les user. Il faut aussi savoir prolonger ces valeurs d’idées neuves qui en découlent et les faire percer sur la place publique : « Aucune idée ne se manifeste spontanément, elles sont le fruits de mouvements longs ». Et c’est donc dans la longueur, en prenant le temps qu’il faut que l’obédience contribue à faire éclore de nouvelles idées ou à réhabiliter certaines plus anciennes comme le montre le retour des « Lumières » dans le débat public.
« Refuser tout savoir imposé, construire sa propre pensée »
L’une des valeurs fondamentales défendue par le Grand Orient De France reste la Laïcité. Cette valeur repose sur trois acceptations : Une forme juridique, une forme philosophique et une façon d’être.
La Loi de Séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 caractérise l’expression juridique de la laïcité. Cette loi fondamentale rappelle l’incompétence de l’Etat à s’occuper des affaires religieuses et l’incompétence des religions à s’occuper des affaires de l’Etat : « Loi de principe au début du XXe siècle, elle devient loi de circonstance au début du XXIe ». L’apparition récente de l’islam n’est en aucun cas contredite par cette loi.
Sous sa forme philosophique, la laïcité c’est la liberté absolue de conscience qui fait de l’Homme un être libre mais qui fonde surtout l’Homme comme Citoyen. C’est cette faculté de s’émanciper, de devenir maître de sa propre vie, « d’être le créateur de la construction de soi » pour, en conséquence, retourner pleinement et sereinement à la rencontre de l’altérité, souvent différente mais dont la richesse de l’échange naît de cette différence.
C’est dons dans la vie de tous les jours se dire que « j’ai peut être un petit peu tord malgré ce que j’affirme de toute ma force, malgré les convictions profondes qui m’animent ». La laïcité permet le vivre ensemble.
« Le citoyen sait aller au delà de lui-même dans le rassemblement qu’offre la Nation »
Car c’est en effet en s’affranchissant des différences qui existent entre chacun d’entre nous qu’il devient possible de se retrouver tous dans le sein de la Nation. C’est « l’universalité de la citoyenneté qui permet de s’élever au dessus de soi même, au dessus de nos appartenances, au dessus de nos communautés ».
La démarche maçonnique permet, mais ce n’est pas la seule, de « mieux se connaître pour mieux aller vers les autres ». « Le maçon dans sa loge se construit lui-même, se forme, découvre d’autres formes de pensée et d’expression pour faire à l’extérieur [de la loge] une pédagogie des valeurs dans des responsabilités diverses où il nous incombe d’être exemplaire ».
« La citoyenneté c’est s’engager, la franc-maçonnerie sait s’engager »