REVIN (Ardennes). 146 salariés au tapis. Tel est le résultat, en termes purement comptables, du nouveau drame social qui s'apprête à endeuiller les Ardennes. C'est, cette fois, Porcher qui se trouve dans la tourmente : la direction du groupe doit annoncer aujourd'hui la fermeture pure et simple du site historique revinois.
ON savait qu'en dépit de quelques maigres lueurs de reprise, les conséquences de la crise allaient encore se faire ressentir de longs mois.
La confirmation de cette crainte, brutale, doit tomber aujourd'hui, lors d'un comité central d'entreprise du groupe Idéal Standard : la direction s'apprête à annoncer la fermeture du site revinois, plus connu sous le nom de Porcher, laissant 146 salariés sur le carreau.
Un énième coup dur pour l'emploi dans les Ardennes en général et sur la Vallée de la Meuse en particulier, pour ne rien dire de la ville de Revin, une nouvelle fois meurtrie au plus profond de sa chair.
Porcher = qualité
Une énième gifle assénée en pleine face de tous ceux qui tentent de ramer contre le courant, particulièrement contraire depuis bien trop longtemps : on pense aux salariés et à leurs représentants, bien sûr, mais aussi aux élus locaux ou aux agents de l'Etat qui s'échinent à disputer des combats dont on aimerait qu'ils ne soient pas tous, ou presque, perdus d'avance.
Le scénario qui se répète lors de chaque désastre industriel s'est donc choisi une nouvelle tête d'affiche : Porcher. Un nom qui résonne bien au-delà des frontières ardennaises, tant les ouvriers de l'usine revinoise ont su, plus d'un siècle durant, s'appuyer avec talent et bonheur sur ce fameux savoir-faire qui constitue pour notre département l'un des derniers points d'ancrage n'ayant pas cédé devant la tourmente de la mondialisation.
Qu'on ne s'y trompe pas, c'est bien l'un des fleurons emblématiques du tissu industriel local qui s'apprête à disparaître, et avec lui un pan supplémentaire de notre âme collective.
C'est en effet en 1886 qu'André et Emile Porcher décident de créer à Revin ce qui constituera la première usine de sanitaire de France. Rapidement, la qualité des systèmes de douche, baignoires et autres lavabos produits au bord de la Meuse permet à l'entreprise de se doter d'une réputation enviable et de conquérir des marchés prestigieux : grands hôtels, stations thermales ou paquebots transatlantiques.
Tout au long du XXe siècle, pour la clientèle, Porcher rime avec qualité.
Le début de la fin
En 1991, la société est reprise par le groupe American standard par l'entremise de sa filiale Idéal standard.
En novembre 2007, cette dernière est à son tour rachetée par Bain capital partner, un fonds d'investissements déjà connu pour avoir jeté son dévolu sur des sociétés telles que Burger king, Samsonite ou Toys « r » us.
Porcher va connaître un long et douloureux calvaire qui va donc se conclure tragiquement aujourd'hui. Amputée de sa division « fonte » (devenue Oxame), l'entreprise revinoise compte alors près de 180 salariés qui se spécialisent dans la production de sanitaires en céramique.
En décembre 2007, Daniel Delattre, le directeur, fixe les objectifs 2008 : 220.000 pièces. Le site n'en produira que 144.000…
Pour 2009, ce sont 105.000 pièces qui sont prévues, mais également 11 semaines de chômage partiel. Un dernier objectif qui, lui, sera même dépassé avec un total de 18 semaines de fermeture forcée, durant lesquelles les salariés ne touchent qu'environ deux tiers de leur revenu habituel.
Début 2010, l'entreprise lance un plan de gestion prévisionnelle des emplois et compétences, dispositif destiné à accompagner les volontaires vers un reclassement. Une vingtaine tenteront leur chance. Le chômage partiel est à nouveau massivement employé : on compte 13 journées chômées au cours du premier semestre 2010 puis trois semaines en décembre.
Seule consolation pour les salariés l'an dernier, la certitude de ne pas avoir à affronter un plan de licenciement, inenvisageable légalement puisque l'entreprise bénéficie des aides de l'Etat pour le paiement des heures de chômage.
Une hypothèque rassurante malheureusement levée depuis le 1er janvier. Il n'aura fallu attendre que 12 jours pour voir le couperet tomber…
Jean-Claude ROUSSEL L'Union